MAXIM : Nous avons un point commun, vous et moi.
 
LA JEUNE FEMME : Qu'est-ce que c'est ?
 
MAXIM : Nous sommes tous les deux seuls au monde.
 
LA JEUNE FEMME : Je ne parviens vraiment pas à vous comprendre.
 
MAXIM : Oui, eh bien, ça n'a rien de très surprenant, nous ne nous connaissons que depuis une semaine !
 
LA JEUNE FEMME : Oui, mais vous savez tout ce qu'il y a à savoir à mon sujet... ce n'est pas grand-chose, je suppose, mais c'est parce que je suis jeune et que n'ai pas vécu grand-chose à part la mort de certaines personnes, mais vous...  Je n'ai rien appris de vous depuis le jour de notre rencontre !
 
MAXIM : Que saviez-vous alors ?
 
LA JEUNE FEMME : Je savais que vous viviez à Manderley, et que vous aviez perdu votre épouse.
 
MAXIM : Je... croyais que vous m'aimiez.
 
LA JEUNE FEMME : Mais je vous aime vraiment, je vous aime terriblement. J'ai pleuré toute la nuit car je croyais que je ne vous verrez jamais plus.
 
MAXIM : Je t'emmènerai à Venise en lune de miel, nous prendrons une chambre dans un hôtel. Mais nous n'y resterons pas longtemps, parce que je veux te montrer Manderley.
 
MRS DANVERS : Bienvenue à Manderley, Mrs De Winter.
 
LA JEUNE FEMME : Merci.
 

***********************************
 
MAXIM : Vous vous occuperez ensuite de la partie ouest du jardin...
 

***********************************
 
LA JEUNE FEMME : Mrs Danvers !
 
MRS DANVERS : Pardonnez-moi si je vous ai fait peur, madame.
 
LA JEUNE FEMME : Quelle heure est-il ?
 
MRS DANVERS : Presque 9h30.
 
LA JEUNE FEMME : 9h30 !
 
MRS DANVERS : Frith disait que vous n'étiez pas descendue pour prendre le petit-déjeuner, il craignait que vous ne soyez indisposée.
 
LA JEUNE FEMME : Non, non, j'ai tout simplement dormi trop longtemps ! La journée d'hier a été si fatigante... Mon mari est-il en bas ?
 
MRS DANVERS : Il est parti régler des affaires concernant le domaine avec Mr Crawley, madame. Voulez-vous que j'ouvre les rideaux ?
 
LA JEUNE FEMME : Je vous en prie, Mrs Danvers.
 
MRS DANVERS : J'ai demandé à Alice de s'occuper de vous en attendant l'arrivée de votre propre femme de chambre. J'espère que cela vous convient.
 
LA JEUNE FEMME : Oh, je n'ai jamais eu de femme de chambre, mais je suis sûre qu'Alice s'en sortira très bien.
 
MRS DANVERS : Je crains fort que ce ne soit qu'une solution provisoire. La coutume veut que les femmes de votre rang aient leur propre femme de chambre.
 
LA JEUNE FEMME : Ah, bon, alors... Peut-être pourriez-vous régler cette question pour moi ?
 
MRS DANVERS : Comme vous voudrez, c'est votre décision.
 
LA JEUNE FEMME : Mrs Danvers, vous allez devoir faire preuve de patience envers moi. Ce genre de vie est totalement nouveau pour moi, et je voudrais tellement que ce soit une réussite... Je veux faire le bonheur de Mr De Winter. Je sais que je peux vous laisser prendre soin de la gestion de la maison, c'est ce que Mr De Winter a dit. Vous devez conserver vos anciennes habitudes. Je n'y changerai rien.
 
MRS DANVERS : Très bien, madame. J'espère que vous serez pleinement satisfaite de mes services.
 
LA JEUNE FEMME : Oui, j'en suis sûre... Cela fait-il longtemps que vous êtes à Manderley ?
 
MRS DANVERS : Pas aussi longtemps que Frith, madame. Je suis arrivée alors que la première Mrs De Winter était une jeune mariée.
 
LA JEUNE FEMME : Je vois.
 
MRS DANVERS : Voulez-vous que je demande à Frith de vous faire monter immédiatement un petit-déjeuner ?
 
LA JEUNE FEMME : Oh, non, c'est de ma faute, j'ai dormi trop longtemps, j'ai déjà causé assez de problèmes comme ça.
 
MRS DANVERS : Le choix de votre emploi du temps n'appartient qu'à vous, madame. Je suis là pour faire exécuter vos ordres.
 
LA JEUNE FEMME : Dans ce cas... peut-être du café. Une pleine cafetière et des toasts.
 
MRS DANVERS : Très bien, madame. Puis-je encore vous être utile, madame ?
 
LA JEUNE FEMME : Non, merci, Mrs Danvers.Vous avez très bien arrangé cette chambre, je vous en suis très reconnaissante.
 
MRS DANVERS : Je me suis contentée de suivre les instructions de Mr De Winter. Il a dit que vous préféreriez loger de ce côté du manoir ; les chambres de l'aile ouest sont très vieilles et beaucoup plus vastes. Sa chambre à elle, par exemple, est deux fois plus grande que celle-ci.
 
LA JEUNE FEMME : Oh, oui, c'est vraiment très grand.
 
MRS DANVERS : C'est une pièce magnifique, madame, la plus belle pièce de tout le manoir. Les fenêtres donnent sur le gazon qui s'étend vers la mer.
 
LA JEUNE FEMME : Je suppose que c'est l'une des pièces que l'on fait visiter.
 
MRS DANVERS : Oh, non. On ne fait jamais visiter les chambres. Seulement le hall, les galeries et les pièces d'en dessous. Ils vivaient dans l'aile ouest quand Mrs De Winter était en vie. Cette grande pièce, celle qui donne sur la mer, c'était la chambre de Mrs De Winter. Je dirai à Alice de vous monter un plateau, madame.
 
LA JEUNE FEMME : Merci, Mrs Danvers... Bonjour.
 
LA BONNE : Oh, euh... bonjour, m'dame.
 

***********************************
 

FRITH : Avez-vous besoin de quelque chose, madame ?
 
LA JEUNE FEMME : Oh, Frith, oui, je n'ai pas trouvé d'allumettes.
 
FRITH : Les cigarettes sont à côté de vous, sur la table, madame.
 
LA JEUNE FEMME : Oh, non, il ne s'agissait pas de cela, je ne fume pas. Simplement, j'ai trouvé qu'il faisait plutôt frais par ici, j'ai pensé que je pourrais allumer le feu.
 
FRITH : Eh bien, généralement, on n'allume pas ce feu avant l'après-midi. Mrs De Winter utilisait toujours le "salon du matin". Vous y trouverez un bon feu, madame. Bien sûr, si vous souhaitez qu'un feu soit allumé ici aussi, je donnerai des ordres pour qu'il soit allumé.
 
LA JEUNE FEMME : Non, je ne voudrais jamais une telle chose, j'irai dans l'autre salon. Merci, Frith.
 
FRITH : Merci, madame.
 

***********************************
 

FRITH : Hum, madame... à votre gauche. Traversez le salon servant d'entrepôt, et ensuite, tournez à gauche.
 
LA JEUNE FEMME : Merci, Frith.
 

***********************************
 

[Sur les étiquettes, on peut lire de haut en bas "Manoir/Personnel et domestiques", "Entretien/Domaine" et enfin "Entretien/Menus. Le cahier concerne la gestion du domaine ; papier à lettres ; cartes de visite.]
 
LA JEUNE FEMME : Qui est à l'appareil, que voulez-vous ?
 
MRS DANVERS : Mrs De Winter ?
 
LA JEUNE FEMME : Je suis désolée, c'est une erreur, Mrs De Winter est décédée depuis plus d'un an.
 
MRS DANVERS : Mrs Danvers à l'appareil, madame.
 
LA JEUNE FEMME : Oh, Mrs Danvers, pardonnez-moi, je n'ai pas reconnu votre voix, je n'ai pas réalisé que l'appel m'était destiné.
MRS DANVERS : C'est le téléphone interne à la maison, madame.
 
LA JEUNE FEMME : Oui, c'est ce que je vois. Je suis désolée, Mrs Danvers, je suis désolée. MRS DANVERS : Je voulais simplement savoir si vous approuviez les menus du jour.
 
LA JEUNE FEMME : Je suis sûre que oui. Je veux dire, je suis sûre d'approuver les menus.
 
MRS DANVERS : Vous les trouverez sur le dossier, à côté de vous. Et j'ai pensé que je ferais mieux de vous prévenir, la sœur de Mr De Winter et son mari vont déjeuner ici, aujourd'hui.
 
LA JEUNE FEMME : Déjeuner ici ? Mais Mr De Winter ne m'en avait pas parlé !
 
MRS DANVERS : Je crois qu'elle a appelé plus tôt, madame, pendant que vous dormiez.
 
LA JEUNE FEMME : Oui, d'accord. Merci, Mrs Danvers… Mon Dieu !
 

***********************************
 

GILES : Bonjour, Crawley !
 
BEATRICE : Je n'arrive pas à le croire !
 
MAXIM : Quoi ?
 
BEATRICE : Que tu aies l'air d'aller si bien !
 
GILES : Félicitations, Max ! Bonjour, Frank. BEATRICE : Il a rajeuni, n'est-ce pas ... ?
 

***********************************
 

BEATRICE : Je parie que Jasper est content que tu sois de retour, regardez-le, le pauvre vieux !
 
MAXIM : Qu'est-ce qu'il a ?
 
BEATRICE : Il a besoin d'exercice ! Il devient beaucoup trop gros ! Qu'est-ce que tu peux bien lui donner à manger ?
 
MAXIM : Oh, ma chère Béatrice, mes chiens mènent exactement le même train de vie que les tiens, ne prétends pas que tu t'y connais mieux que moi en animaux !
 
BEATRICE : Mon garçon, tu ne sais pas ce qu'on a donné à manger à Jasper ces derniers temps, tu n'as pas mis les pieds ici depuis plusieurs mois ! Et ne me dis pas que Frith l'emmène en promenade deux fois par jour. Cela fait des semaines que ce chien ne s'est pas dépensé.
 
MAXIM : Ah, te voilà ! Où t'étais-tu cachée ? Nous envisagions de lancer une battue ! Voilà Béatrice... et Giles... Frank Crawley, qui gère notre domaine... Attention ! Tu as failli marcher sur ce chien !
 
LA JEUNE FEMME : Enchantée.
 
BEATRICE : Enchantée. Eh bien ! Vous êtes très différente de ce à quoi je m'attendais ! Elle ne correspond pas du tout à ta description !
 
GILES : Ne faites pas attention à Béatrice, elle passe tout son temps en compagnie des chevaux. Vous ne chassez pas, si ?
 
LA JEUNE FEMME : Eh bien, je monte à peine à cheval...
 
BEATRICE : Oh, il faut que vous vous y remettiez ! Il est impossible de vivre à la campagne sans savoir monter !
 
MAXIM : Laisse cette pauvre fille tranquille, Béatrice !
 
FRANK :  Vous devez être fatiguée après tous ces voyages, Mrs De Winter !
 
LA JEUNE FEMME : Oh, plus maintenant, j'ai dormi pendant la moitié de la matinée...
 
BEATRICE : Et que pensez-vous de Manderley ?
 
LA JEUNE FEMME : Eh bien, je n'ai pas encore vu grand-chose de la propriété... Oh, merci, Frith. C'est si grand que je n'arrête pas de m'égarer !
 
BEATRICE : Vous devez me montrer ce qu'on a fait de l'aile droite !
 
MAXIM : Du sacré bon travail, grâce à Mrs Danvers.
 
GILES : Une femme étonnante...
 
FRANK : Je suppose que vous n'avez pas encore eu l'occasion de faire le tour du domaine ?
 
LA JEUNE FEMME : Non, pas encore.
 
MAXIM : Nous irons faire une promenade, un peu plus tard.
 
BEATRICE : Oh, je viendrai avec vous !
 
MAXIM : Oh, non, merci, Béatrice, ta promenade idéale correspond pour moi à une marche militaire.
 
BEATRICE : Sottises ! Vous devez absolument tenter de lui faire passer son abominable paresse, il ne prend jamais vraiment d'exercice.
 
MAXIM : Nous ne sommes pas tous des maniaques du grand air !
 
BEATRICE : Aimez-vous la marche ?
 
LA JEUNE FEMME : Oh, oui, beaucoup.
 
FRANK : Et le golf ?
 
LA JEUNE FEMME : Non, je n'y joue pas. Mais j'adore nager !
 
BEATRICE : Oh, ça n'est pas très pratique par ici, l'eau est horriblement froide.
 
LA JEUNE FEMME : Oh, ça ne me dérange pas ! Peut-on se baigner sans risque dans la baie ?
 
GILES : Mon dieu ! Une heure.
 
BEATRICE : Oh, cette horloge avance toujours un peu.
 
MAXIM : Elle marche très bien depuis des mois.
 
BEATRICE : Cela fait des mois que tu n'es pas venu ici.
 
MAXIM : Toi non plus.
 
FRANK : Qu'avez-vous pensé de Venise, Mrs De Winter ?
 
LA JEUNE FEMME : Oh, c'était merveilleux. Vraiment le plus bel endroit que j'aie jamais vu.
 
FRANK : Est-ce vrai que toutes les gondoles ont été remplacées par des bateaux à moteur ?
 
BEATRICE : Qui diable vous a raconté ça ?
 
FRANK : Je... crois que je l'ai lu dans un journal.
 
BEATRICE : Oh ! Quelles sottises !
 
FRITH : Le déjeuner est servi.
 
GILES : Dieu soir loué ! J'ai une faim de loup. Vous avez toujours la même cuisinière ?
 
MAXIM : Oui.
 
GILES : Je n'oublierai jamais le soufflé que nous avions eu l'été dernier ! Après vous, ma chère.
 


***********************************
 

BEATRICE : Le jardin est splendide en été, c'est un festival de fleurs ! Je suis si contente que vous ayez déménagé dans l'aile est !
 
LA JEUNE FEMME : Oh, c'était l'idée de Maxim, il semble la préférer.
 
BEATRICE : Elle a été terriblement bien réaménagée ! C'est charmant, ainsi. Dites-moi, vous l'aimez vraiment beaucoup ? Oh, ne me répondez pas, je peux voir ce que vous ressentez. Je suis une vieille casse-pieds irrécupérable, n'est-ce pas ? Il ne faut pas faire attention à moi, je suis très attachée à Maxim, mais nous nous entendons comme chien et chat dès que nous sommes en présence l'un de l'autre. La première fois qu'il m'a écrit et m'a tout raconté sur vous, je dois avouer que ça été un drôle de choc ! Bien sûr, nous nous étions tous imaginé un « papillon de société », très moderne, couverte de maquillage, enfin, le genre de filles que l'on rencontre dans les hôtels de Monte Carlo. Et quand vous êtes entrée dans le salon, j'ai failli en tomber à la renverse ! Pauvre Maxim... Il a vécu une période épouvantable. Enfin, espérons que vous la lui ferez oublier !
 
LA JEUNE FEMME : J'espère que oui.
 
BEATRICE : Vous savez, vous devriez vraiment faire quelque chose au sujet de vos cheveux. Pourquoi ne pas les faire onduler ? Ils sont si informes, ça doit être horrible pour porter des chapeaux ! Pourquoi ne les rejetez-vous pas derrière vos oreilles ? Oh, non, c'est pire, trop sévère ! Qu'en dit Maxim ? Il pense que ça vous va bien ?
 
LA JEUNE FEMME : Eh bien, il n'en m'en a jamais parlé auparavant.
 
BEATRICE : Ça alors ! Eh bien, il a dû changer, il était si regardant autrefois ! Dites-moi, comment vous entendez-vous avec Mrs Danvers ?
 
LA JEUNE FEMME : Eh bien, elle me fait un peu peur, je n'avais jamais vraiment vu quelqu'un comme elle, avant...  
 
BEATRICE : Sûrement pas... Avait-elle l'air... amicale ?
 
LA JEUNE FEMME : Non, pas très.
 
BEATRICE : Ah, ça n'a rien de très étonnant, elle est follement jalouse, bien sûr, j'avais peur que ça soit le cas.
 
LA JEUNE FEMME : Jalouse, de moi et de Maxim ?
 
BEATRICE : Oh, mon dieu, non, elle vous en veut d'être ici, voilà le problème.
 
LA JEUNE FEMME : Pourquoi m'en veut-elle ?
 
BEATRICE : Oh, je pensais que vous seriez au courant, je pensais que Maxim vous en aurez parlé ! Ma chère, elle adorait Rebecca. Bon, il faut y aller, les Cartwright dînent chez nous ce soir. Connaissez-vous les Cartwright ? Elle est très amusante ! ...
 

***********************************
 

MAXIM : Allez, partons faire cette promenade. Oh, Robert ! Allez chercher un imperméable et des bottes dans la pièce du fond pour Mrs De Winter, voulez-vous ?
 
ROBERT : Oui, monsieur.
 

***********************************
 

MAXIM : Qu'as-tu pensé de Béatrice ?
 
LA JEUNE FEMME : Elle m'a énormément plu, elle a été très gentille avec moi.
 
MAXIM : De quoi avez-vous parlé ?
 
LA JEUNE FEMME : De plein de choses... Elle a dit que j'étais très différente de ce à quoi elle s'attendait.
 
MAXIM : Que diable s'attendait-elle à trouver ?
 
LA JEUNE FEMME : Quelqu'un de plus élégant, de plus sophistiqué, je crois. Un « papillon de société », m'a-t-elle dit.
 
MAXIM : Oui, eh bien, Béatrice est l'une des meilleures personnes au monde, mais elle peut manquer sacrément d'intelligence !
 


***********************************
 

MAXIM : Viens ici, Jasper ! Pas par-là ! Allez !
 
LA JEUNE FEMME : Pourquoi veut-il aller par-là ?
 
MAXIM : Je suppose qu'il en a l'habitude. Ça mène à une baie où nous gardions un bateau. Viens ici, Jasper ! Tu te rappelles que je t'ai parlé d'un chemin qui descend vers une vallée ? Tu vas le voir dans un instant.
 


***********************************
 
MAXIM : Voilà ! Regarde un peu ça !
 

***********************************
 

MAXIM : Nous l'appelons la Vallée Heureuse.
 
LA JEUNE FEMME : C'est magnifique ! C'est le plus bel endroit que j'aie jamais vu !
 

***********************************
 
MAXIM : Jasper ! Jasper !
 
LA JEUNE FEMME : Oh, regarde, le voilà !
 
MAXIM : Jasper ! Jasper, reviens !
 
LA JEUNE FEMME : Je vais aller le chercher.
 
MAXIM : Non ! N'y va pas !
 
LA JEUNE FEMME : On ne peut pas le laisser là !
 
MAXIM : Il retrouvera son chemin, maintenant.
 
LA JEUNE FEMME : Il pourrait tomber !
 

***********************************
 

LA JEUNE FEMME : Jasper ! Jasper, viens ici ! Pardon.
 
BEN : Ça va... entêté, hein ? J'creuse pour trouver des coquillages. Pas de coquillage, ici. Mais j'creuse depuis quatre heures de l'après-midi.
 
LA JEUNE FEMME : Je suis désolée. Jasper, viens ici !
 
BEN : Pas de coquillage, ici.
 
LA JEUNE FEMME : Il se fait tard, viens ! Jasper ! BEN : Je connais ce chien, il vient du manoir.
 
LA JEUNE FEMME : Oui. Je veux qu'il revienne avec moi, maintenant.
 
BEN : Oh, c'est pas votre chien.
 
LA JEUNE FEMME : C'est le chien de Mr De Winter. Je veux le ramener à la maison. Viens ici, Jasper. S'il te plaît. Vilain chien ! Qu'est-ce que tu veux ?
 

***********************************
 

BEN : Je l'ai vu rentrer là-dedans.
 
LA JEUNE FEMME : Oh, ce n'est pas grave, Mr De Winter ne dira rien.
 
BEN : Elle... elle ne rentre plus là-dedans, maintenant.
 
LA JEUNE FEMME : Non... plus maintenant.
 
BEN : Elle... elle est partie dans la mer, hein ? Elle reviendra pas.
 
LA JEUNE FEMME : Non, elle ne reviendra pas.
 
BEN : Vous... me... mettrez pas... à l'asile, hein ?
 
LA JEUNE FEMME : Non, bien sûr que non.
 
BEN : Je n'ai rien fait ! Je n'ai jamais rien dit à personne ! Personne du tout ! Faut pas m'y mettre !
 
LA JEUNE FEMME : Personne ne va vous y envoyer.
 
BEN : Oh, elle a dit qu'elle le ferait, si... si je disais ce que j'ai vu !
 
LA JEUNE FEMME : Je ne sais pas de quoi vous parlez...
 
MAXIM : Allez ! Il va pleuvoir !
 
LA JEUNE FEMME : Au revoir...
 

***********************************
 

LA JEUNE FEMME : Qui est cet homme ?
 
MAXIM : C'est Ben. Il est tout à fait inoffensif, le pauvre diable. Son père était l'un des gardiens, ils vivaient à côté de la ferme du domaine. Où as-tu trouvé cette ficelle ?
 
LA JEUNE FEMME : Oh, dans ce cottage.
 
MAXIM : La porte était-elle ouverte ?
 
LA JEUNE FEMME : Oui.
 
MAXIM : Bon sang ! Elle devrait être fermée.
 
LA JEUNE FEMME : Attends-moi !
 

***********************************
 

LA JEUNE FEMME : Peut-on jeter un coup d'œil à l'aile ouest après le thé ?
 
MAXIM : Demande à Mrs Danvers, elle te la montrera.
 
LA JEUNE FEMME : Pourquoi pas toi ?
 
MAXIM : Non, j'ai d'autres choses à faire.
 
LA JEUNE FEMME : Maxim, qu'y a-t-il ?
 
MAXIM : Quoi, "qu'y a-t-il" ?
 
LA JEUNE FEMME : Pourquoi te comportes-tu comme ça ?
 
MAXIM : Comme quoi ?
 
LA JEUNE FEMME : Tu ne m'as pas adressé la parole pendant ces dix dernières minutes, et quand je t'ai demandé de me montrer l'aile ouest, tu as failli me gifler !
 
MAXIM : Écoute ! Il y a certaines choses que je ne souhaite pas voir, il y a certaines choses que je ne souhaite pas faire ! Fais ce qu'il te plaît ! Mais n'attends pas de moi que je ravive des souvenirs qui ne peuvent que nous détruire, tous les deux !
 
LA JEUNE FEMME : Je suis désolée, Maxim, je suis désolée !
 
MAXIM : Bon dieu, quel imbécile j'ai fait ! Nous aurions dû rester en Italie.
 

***********************************
 

FRITH : Pourrais-je avoir un mot avec vous, monsieur ?
 
MAXIM : Oui, Frith, que se passe-t-il ?
 
FRITH : C'est au sujet de Robert, monsieur. Il y a eu un léger différend entre Mrs Danvers et lui, monsieur.
 
MAXIM : Oh, mon Dieu.
 
FRITH : Il semblerait que Mrs Danvers ait accusé Robert d'avoir subtilisé un objet de valeur du "salon du matin". Mrs Danvers est entrée dans la pièce après le déjeuner, et a remarqué son absence. Elle dit qu'il s'y trouvait avant le déjeuner. Elle a accusé Robert d'avoir dérobé l'objet ou de l'avoir brisé, avant d'en dissimuler les preuves. Robert a rejeté ces deux accusations avec la plus grande véhémence.
 
MAXIM : Alors, je suppose que le coupable est ailleurs… l'une des bonnes ?
 
FRITH : Non, monsieur, personne n'est entré dans cette pièce, à part Mrs Danvers et moi-même pour y porter du sherry, et Robert pour y porter des verres.
 
MAXIM : Alors, vous feriez mieux d'aller chercher Mrs Danvers, et nous tirerons l'affaire au clair. De quel objet s'agit-il ?
 
FRITH : Le cupidon chinois, monsieur, qui est posé sur le bureau.
 
MAXIM : Oh, mon Dieu ! C'est l'un de nos trésors, non ? Il faudra le retrouver. Allez chercher Mrs Danvers immédiatement !
 
FRITH : Très bien, monsieur.
 
MAXIM : Oh, quelle tuile ! Ce cupidon était une sacrée pièce de collection ! Oh, comme je hais les disputes entre domestiques ! Tu devrais te charger de ça, tu sais, c'est ton travail, pas le mien.
 
LA JEUNE FEMME : Chéri... je voulais t'en parler... je suis désolée... c'est moi qui ai cassé ce cupidon.
 
MAXIM : C'est toi l'as cassé ?
 
LA JEUNE FEMME : Excuse-moi, je voulais t'en parler, ça m'est sorti de la tête. Je suis désolée.
 
MAXIM : Mais pourquoi ne l'as-tu pas dit il y a un instant, quand Frith était là ?
 
LA JEUNE FEMME : Je n'ai pas voulu, j'avais peur qu'il ne me trouve sotte.
 
MAXIM : Il te trouvera bien plus sotte à présent, tu vas devoir t'expliquer devant lui et Mrs Danvers !
 
LA JEUNE FEMME : Oh, non, je t'en prie, Maxim, fais-le, j'irai à l'étage.
 
MAXIM : Ne sois pas si stupide, on croirait qu'ils te font peur !
 
LA JEUNE FEMME : Mais ils me font peur ! Enfin, pas peur, mais...
 
MAXIM : Fausse alarme, Mrs Danvers ! Ce n'était qu'un malentendu. Mrs De Winter a elle-même cassé le cupidon, et a oublié de le signaler.
 
LA JEUNE FEMME : Je suis vraiment navrée, je n'ai pas pensé que Robert aurait des ennuis.
 
FRITH : Est-il possible de réparer l'objet, madame ?
 
LA JEUNE FEMME : Je crains que non, il est brisé en mille morceaux...
 
MAXIM : Que... Qu'as-tu fait des morceaux ?
 
LA JEUNE FEMME : Je, euh... je les ai mis dans une enveloppe.
 
MAXIM : Qu'as-tu fait de l'enveloppe ?
 
LA JEUNE FEMME : Je l'ai mise tout au fond de l'un des tiroirs du bureau.
 
MAXIM : On dirait que Mrs De Winter a pensé que vous l'enverriez en prison, n'est-ce pas, Mrs Danvers ? Auriez-vous l'obligeance de retrouver les morceaux et de les envoyer à Londres ? S'ils sont trop cassés pour que l'on puisse les recoller, il n'y a plus rien à faire. C'est bon, Frith, dites à Robert de sécher ses larmes.
 
FRITH : Merci.
 
MRS DANVERS : Je présenterai mes excuses à Robert, bien sûr, mais sur le moment, il n'y avait pas d'autre explication possible. L'idée que Mrs De Winter ait brisé l'objet elle-même ne m'a pas effleurée. Peut-être que si une telle chose devait se reproduire, Mrs De Winter me préviendrait en personne afin que je me charge de l'affaire.
 
MAXIM : Oui, bien sûr.
 
MRS DANVERS : Cela épargnerait beaucoup de déplaisir à tout le monde.
 
MAXIM : Merci, Mrs Danvers.
 
MRS DANVERS : Merci, monsieur.
 
LA JEUNE FEMME : Je suis désolée. Je suis sincèrement désolée.
 
MAXIM : Non, c'est réglé, ce n'est pas grave.
 
LA JEUNE FEMME : Bien sûr que si, c'est grave, j'aurais dû faire plus attention. Mrs Danvers doit être furieuse contre moi.
 
MAXIM : Pourquoi serait-elle furieuse ? Ce n'est pas sa porcelaine chinoise !
 
LA JEUNE FEMME : Non, mais elle accorde tant d'importance à tout !
 
MAXIM : Oh, au diable Mrs Danvers, ce n'est pas Dieu-Tout-Puissant ! Tu sais, tu te comportes comme l'une des bonnes ! Pas comme la maîtresse de la maison.
 
LA JEUNE FEMME : C'est comme ça que je me sens.
 
MAXIM : Quel tissu d'âneries !
 
LA JEUNE FEMME : C'est vrai. Je ne me sens pas à ma place. Je suppose que c'est pour cela que tu m'as épousée.
 
MAXIM : De quoi ?
 
LA JEUNE FEMME : J'ai dit que... je supposais que c'était pour cela que tu m'avais épousée.
 
MAXIM : Quoi, "cela" ?
 
LA JEUNE FEMME : Parce que je suis ennuyeuse et silencieuse et timide et sans expérience. Il n'y aurait pas de commérages sur moi.
 
MAXIM : Que veux-tu dire, à parler ainsi ?
 
LA JEUNE FEMME : Oh, je ne sais pas. Rien, je ne veux rien dire.
 
MAXIM : Que sais-tu des commérages, par ici ?
 
LA JEUNE FEMME : Rien ! J'ai dit ça simplement parce que... eh bien, parce que c'est la seule chose qui me soit venue à l'esprit !
 
MAXIM : Avec qui as-tu parlé ?
 
LA JEUNE FEMME : Personne ! Vraiment personne !
 
MAXIM : Alors pourquoi as-tu dit ce que tu viens de dire ?
 
LA JEUNE FEMME : Je ne sais pas, ça m'est simplement... passé par la tête !
 
MAXIM : Je me demande si je n'ai pas fait quelque chose de très égoïste, en t'épousant.
 
LA JEUNE FEMME : Que veux-tu dire ?
 
MAXIM : Tu aurais dû épouser quelqu'un de ton âge.
 
LA JEUNE FEMME : C'est ridicule !
 
MAXIM : Vraiment ?
 
LA JEUNE FEMME : Je t'aime plus que tout au monde, tu le sais bien !
 
MAXIM : Tu crois que tu seras heureuse, ici ?¬
 
LA JEUNE FEMME : Bien sûr que je serai heureuse, tu sais bien que je serai heureuse, j'adore Manderley !
 
MAXIM : Eh bien, je l'espère...
 
LA JEUNE FEMME : Nous serons tous les deux heureux, tu le sais bien !
 
MAXIM : Tu crois ?
 
LA JEUNE FEMME : Non ?
 
MAXIM : Si... si tu le dis... je te croirai sur parole... nous serons tous les deux heureux. C'est entendu. C'est réglé.
 
LA JEUNE FEMME : Si seulement je n'avais pas cassé ce malheureux cupidon...
 
MAXIM : Oh, au diable le cupidon !
 
LA JEUNE FEMME : Était-il très précieux ?
 
MAXIM : Dieu seul le sait ; je suppose, j'ai complètement oublié.
 
LA JEUNE FEMME : L'avais-tu acheté ?
 
MAXIM : On nous l'avait donné, je crois. Un cadeau de mariage. Rebecca savait beaucoup de choses sur la Chine.
 
LA JEUNE FEMME : Oh, Maxim, ferais-tu quelque chose pour moi ?
 
MAXIM : Quoi ?
 
LA JEUNE FEMME : Allons faire une promenade en voiture demain ! Comme celles que nous faisions à Monte Carlo ! Emportons un pique-nique, et partons en voiture, et passons toute la journée seuls tous les deux !
 
MAXIM : Je ne peux pas, demain, ma chérie.
 
LA JEUNE FEMME : Pourquoi pas ?
 
MAXIM : Tu sais bien que ça m'est impossible, je te l'ai dit.
 
LA JEUNE FEMME : Quoi ?
 
MAXIM : Il faut que j'aille à Londres.
 
LA JEUNE FEMME : Tu vas à Londres ?
 
MAXIM : Je ne te l'avais pas dit ? Je suis sûr de te l'avoir dit !
 
LA JEUNE FEMME : Pourquoi ?
 
MAXIM : Oh, une histoire d'investissements à régler. Je ne serai absent que pour quelques jours ! Nous ferons ce pique-nique la semaine prochaine, d'accord ?
 
LA JEUNE FEMME : Oui, d'accord.
 
LA JEUNE FEMME : Sans doute, oui... Que s'est-il passé, Frank ? Que s'est-il passait quand elle s'est noyée ?
 
FRANK : Le bateau s'est perdu au large et a coulé. Son corps a été emporté. Enfin, c'est ce que nous avons déduit.
 


***********************************
 

LA JEUNE FEMME : Allez ! Va chercher, mon chien !
 

***********************************
 

LA JEUNE FEMME : Frank ! Vous m'avez fait une de ces peurs !
 
FRANK : Mrs De Winter ! Que faites-vous ici ?
 
LA JEUNE FEMME : Je suis à la recherche de Jasper. Je vous ai pris pour... oh, je ne sais pas pour qui je vous ai pris, le Croquemitaine ou quelque chose comme ça !
 
FRANK : Maxim m'a dit que cet endroit était resté accessible, j'étais venu pour mesurer l'étendue des dégâts.
 
LA JEUNE FEMME : Eh bien, tout est tellement en désordre !
 
FRANK : Oui, oui, je sais... ça pourrit tout bonnement sur place !
 
LA JEUNE FEMME : Est-ce que c'est à Rebecca ?
 
FRANK : Oui.
 
LA JEUNE FEMME : À quoi destinait-elle ce cottage ?
 
FRANK : Oh... ceci, cela... des fêtes, parfois...
 
LA JEUNE FEMME : Personne n'a rien vu ?
 
FRANK : Il n'y avait personne ! Personne ne savait qu'elle était sortie.
 
LA JEUNE FEMME : Pas même...
 
FRANK :... pas même Maxim. Oh, elle sortait souvent toute seule ainsi. Elle revenait à n'importe quelle heure de la nuit et dormait ici.
 
LA JEUNE FEMME : Elle n'avait pas peur ?
 
FRANK : Non, elle n'avait peur de personne.
 
LA JEUNE FEMME : Cela ne dérangeait pas Maxim, qu'elle sorte comme ça ?
 
FRANK : Oh, je ne sais pas.
 
LA JEUNE FEMME : Après combien de temps l'a-t-on retrouvée ?
 
FRANK : Oh, environ deux mois. On l'a retrouvée au bord d'une vallée, à environ 40 miles de la baie.  
 
LA JEUNE FEMME : Comment a-t-on su que c'était elle ?
 
FRANK : Maxim est allé identifier le corps.
 
LA JEUNE FEMME : Ça a dû être horrible !
 
FRANK : Oui. Oui, ça l'était. Frith m'a dit que l'Évêque vous avait appelée ce matin.
 
LA JEUNE FEMME : Oh, l'épouse de l'Évêque ! Maxim m'a prévenue, à propos de ces devoirs sociaux...
 
FRANK : Devoirs ?
 
LA JEUNE FEMME : Je ne peux pas prétendre qu'ils me sont agréables. Pour commencer, je suis bien trop timide, et ensuite, je ne sais jamais que dire ! Je peux presque entendre les gens se dirent combien je suis ennuyeuse...
 
FRANK : Non, les gens ne penseront rien de tel, Mrs De Winter !
 
LA JEUNE FEMME : Eh bien, la femme de l'Évêque voulait savoir si nous allions organiser un bal costumé à Manderley... Elle disait qu'elle était venue au dernier, et qu'elle l'avait beaucoup apprécié. Je ne savais pas que Maxim donnait des bals costumés !
 
FRANK : Oh, si ! Le bal de Manderley était l'un des événements de l'année. Presque toute la noblesse du comté s'y trouvait, et il y avait aussi des gens de Londres !
 
LA JEUNE FEMME : Ça devait demander beaucoup d'organisation...
 
FRANK : Oh, c'était un sacré divertissement !
 
LA JEUNE FEMME : Je suppose que Rebecca se chargeait de la plupart du travail...
 
FRANK : Tout le monde ici travaillait dur...
 
LA JEUNE FEMME : Je... je serais bien inutile si nous donnions un bal... je suis une vraie catastrophe quand il s'agit d'organiser quelque chose...
 
FRANK : Vous n'auriez qu'à rester vous-même et à faire tableau !
 
LA JEUNE FEMME : C'est très aimable à vous, Frank, mais je crois que je ne m'en sortirais pas non plus très bien...
 
FRANK : Je crois que vous vous en sortiriez merveilleusement bien ! Ça vous plairez, aussi.
 
LA JEUNE FEMME : J'aurais bien trop peur pour apprécier quoi que ce soit !
 
FRANK : Pourquoi diable auriez-vous peur de quoi que ce soit ?
 
LA JEUNE FEMME : Je n'y suis pas habituée, voilà pourquoi. Je ne suis pas habituée à la vie que l'on mène à Manderley. Je n'ai pas l'habitude de rencontrer des gens, ni d'être gracieuse et spirituelle. Ni de donner de splendides réceptions, ou d'être habillée à la dernière mode. Ni d'être la maîtresse d'un grand manoir. Je suis si différente de Rebecca, voilà ce qui me fait peur.
 
FRANK : En effet, vous êtes différente d'elle. Vous êtes très différente d'elle. Mais si je puis me permettre, Mrs De Winter, je suis ravi que ce soit le cas. Et je suis ravi que vous ayez épousé Maxim.
 
LA JEUNE FEMME : Merci. C'est très gentil à vous, Frank. Dites-moi... dites-moi très sincèrement... Rebecca était-elle très belle ?
 
FRANK : Je dirais que c'est la plus belle créature que j'aie jamais vue de ma vie.
 
LA JEUNE FEMME : Vous allez rentrer à la maison ?
 
FRANK : Non, pas encore tout à fait... Il faut d'abord que je finisse de passer mon inspection. Excusez-moi...
 

***********************************
 

MRS DANVERS : Je crois qu'elle est montée, vous n'avez qu'à aller voir, je reste ici au cas où.
 
FAVELL : Salut, vieille branche !... Bon chien, viens-là mon vieux, ici ! Oh... veuillez m'excuser, je n'avais pas vu qu'il y avait quelqu'un ici.
 
LA JEUNE FEMME : Je, euh... j'étais sortie avec le chien.
 
FAVELL : Oui, c'est ce que je vois ! Ça n'était qu'un petit chiot, la dernière fois que je l'ai vu ! Il s'est un peu empâté, n'est-ce pas ? Prenez en une !
 
LA JEUNE FEMME : Je ne fume pas.
 
FAVELL : Non, vraiment ? Comment va ce bon vieux Max ?
 
LA JEUNE FEMME : Oh, il va très bien, merci. Il est parti à Londres.
 
FAVELL : Il vous a laissée toute seule ? Quel dommage ! Il n'avait pas peur que quelqu'un vienne vous enlever ? Ah, Danny, vous voilà ! Vos précautions étaient bien inutiles, la maîtresse de la maison s'était cachée derrière la porte ! Bon, vous ne voulez pas m'introduire ? Après tout, c'est le protocole qui exige que l'on présente ses respects à la mariée.
 
MRS DANVERS :Je vous présente Mr Favell, madame.
 
LA JEUNE FEMME : Enchantée... eh bien... vous ne voulez pas rester pour prendre le thé ?
 
FAVELL : N'est-ce pas une invitation charmante ? Bon sang, Danny, j'ai bien envie de l'accepter ! Mais hélas, ça m'est impossible, quel dommage ! Je pense que je ferais mieux de m'en aller, non ? Allez chercher mon manteau, Danny, voulez-vous ? Bon vieux Manderley ! Cet endroit ne change jamais, n'est-ce pas ? Enfin, je suppose que Danny veille au grain. C'est une femme merveilleuse, n'est-ce pas ?
 
LA JEUNE FEMME : Oui, elle est très efficace.
 
FAVELL : Oh, au fait... ça serait vraiment très chic de votre part de ne pas mentionner cette petite visite... Ce vieux Max ne m'aime pas beaucoup, je ne vois vraiment pas pourquoi ! Et ça pourrait causer des ennuis à cette pauvre vieille Danny...
 
LA JEUNE FEMME : D'accord.
 
FAVELL :  Merveilleux ! C'est très chic de votre part.
 
MRS DANVERS :Votre manteau, monsieur Jack.
 
FAVELL : Merci, Danny ! Raccompagnez-moi à la voiture, voulez-vous ? Oh ! Au revoir... Heureux d'avoir fait votre connaissance ! Un sacré chanceux, ce vieux Max !
 

***********************************
 

MRS DANVERS :Est-ce que quelque chose ne va pas, madame ? Vous êtes pâle... Vous ne vous sentez pas bien ?
 
LA JEUNE FEMME : Non, je vais parfaitement bien. J'étais en train de regarder la maison depuis la pelouse, j'ai vu que l'un des volets était ouvert et je suis venue pour le refermer.
 
MRS DANVERS : C'est moi qui vais le refermer. Pourquoi m'avez-vous dit que ce volet était ouvert ? Je l'avais fermé avant de quitter la pièce. Vous l'avez ouvert vous-même. Vous vouliez voir la chambre, n'est-ce pas ? N'est-ce pas ?
 
C'est une chambre si charmante... La plus belle que vous ayez jamais vue... C'était son lit... je le recouvre toujours de ce coussin, et de ce couvre-lit... c'était son préféré. Voici sa chemise de nuit, à l'intérieur du coussin. C'est la chemise qu'elle a porté juste avant sa mort. Touchez-la. Prenez-la. Sentez combien elle est légère et douce. Je ne l'ai pas lavée depuis qu'elle l'a portée pour la dernière fois. Je la prépare ainsi tous les soirs. Sa robe de chambre et ses pantoufles... Exactement comme je les avais préparées le soir où elle n'est jamais revenue.
 
Je faisais tout pour elle, vous savez. Tout. Venez... venez ici. Ce sont ces brosses. Je lui brossais les cheveux tous les soirs. "Allez, Danny ! Venez me brosser les cheveux !", disait-elle. Et je restais debout derrière elle, qui s'asseyait sur ce tabouret, et je la brossais pendant 20 minutes consécutives ! Oh, Mr De Winter les lui brossait au début de leur mariage... Je suis entrée dans cette pièce des dizaines et des dizaines de fois pour l'y trouver en bras de chemise, une brosse à la main. "Plus fort, Max, plus fort !", disait-elle, et ils riaient tous les deux. Vous ne riez pas. Eux étaient toujours en train de rire, de plaisanter. Les rochers l'ont mise en pièces, vous savez. Son beau visage... mis en pièces. Ses deux bras, disparus... Je me reprocherai toujours cet accident. Toujours. J'étais sortie dans l'après-midi, et je suis rentrée tard. Mrs De Winter était à Londres, voyez-vous, et l'on n'attendait pas son retour. Quand je suis rentrée, on m'a dit qu'elle était déjà revenue, avant de repartir pour la plage. J'ai alors commencé à m'inquiéter ; le vent du sud-ouest était violent. Elle ne serait jamais sortie si j'avais été là. Elle m'écoutait toujours. Elle m'écoutait toujours.
 
"D'accord, Danny, vieille rabat-joie !", disait-elle. Mr De Winter avait dîné avec Mr Crawley là-bas, dans la vieille maison ; il m'a dit de ne pas me faire de souci. "Je suppose qu'elle va passer la nuit dans le cottage", m'a-t-il dit. "Si j'étais vous, j'irais me coucher". Je suis restée assise sur mon lit jusqu'à 5h00 du matin. Puis je n'ai pas pu attendre plus longtemps. Je suis descendue à la plage. Le bateau avait disparu. J'ai su. J'ai su ce qui était arrivé. J'ai su, immédiatement. Écoutez. Écoutez la mer... Voilà pourquoi Mr De Winter n'utilise plus cette partie du manoir. Il ne l’utilise plus depuis la nuit où elle s'est noyée. Il n'a quasiment pas dormi. Il a dû rester assis dans un fauteuil tout la nuit. Et le jour levé, Frith l'entendait parcourir la bibliothèque, de long en large... De long en large... Je viens moi-même faire le ménage dans cette chambre, chaque jour. C'est une si belle chambre. On ne dirait pas, n'est-ce pas, que cela fait si longtemps qu'elle est partie ? On croirait qu'elle s'est juste glissée dehors pour un moment, et rentrera dans la soirée. Je la sens, partout. Vous aussi, n'est-ce pas ? Parfois, quand je passe dans le couloir, j'ai l'impression de l'entendre, juste derrière moi... Ces pas vifs et légers ! Et dans les galeries ouvertes, au-dessus du hall, j'ai l'impression de la voir, penchée, appelant les chiens... Je pourrais presque entendre le bruissement de sa robe, glissant le long des escaliers alors qu'elle descend dîner... Pensez-vous qu'elle peut nous voir, à présent ? En train de discuter toutes les deux ? Pensez-vous que les morts reviennent, et regardent les vivants ?
 
LA JEUNE FEMME : Je ne sais pas... je ne sais pas.
 
MRS DANVERS : Parfois, je me le demande. Parfois, je me demande si elle revient à Manderley, et vous voit ensemble, Mr De Winter et vous...
Épisode 1
REBECCA : DEUXIÈME ÉPISODE
Épisode 3
Retour
RETOUR A L‘EPISODE