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Jeremy Brett avait une idée précise de son rôle du Comte avide de sang. Il donna son point de vue au cours d'une interview  "Close-up" de Jeff Lyon, Chicago Tribune, le 16 Février 1979, dont voici quelques extraits : "Sans ses crocs, Dracula est un type bien."
 
"Nous l'avons tous abordé sous un angle différent. Je pensais que je devais le jouer pour la première fois comme si le Comte Dracula était amoureux. Pour moi, ma Lucy compte plus que tout." " Mon Dieu, il est tombé amoureux. Aussi je le joue comme un homme qui a perdu tout contrôle, qui devient terriblement négligent et commet des erreurs parce qu'il a cette fille dans la peau. Il a 500 ans et il est devenu malade d'amour comme un enfant."
 
"C'est une créature très triste en réalité. Je pense qu'il est très seul et très vieux. Il est profondément dépravé sexuellement. Le sexe est de toute évidence sa principale préoccupation. De plus il est accro. Il est drogué. C'est terrible d'être dépendant de quelque chose, et il est dépendant du sang."
The Edward Gorey House
Jeremy n'était pas plus de 20 minutes sur scène réellement en tant que "Dracula" mais, quelles minutes !
 
Ann Bloom déclara : " Ce Dracula donne une nouvelle dimension au Comte lui-même. Son élégance et son magnétisme vous enveloppent à la manière de sa magnifique cape, vous invitant à fermer les yeux sur ses traits les moins attachants. Sa manière de séduire Miss Lucie avec grâce et presque tendresse fait que la moitié des spectatrices aurait aimé devenir sa prochaine victime. "
 
Après  tout, comme Jeremy Brett le fit remarquer : "On est en 1978, et qu'est-ce qu'un peu de sang entre amis." Il est vrai que ce Dracula dégageait un pouvoir "mordant" de séduction et de sex-appeal !
 
À ce propos, Jeremy évoqua une scène dans laquelle il soulève l'héroïne dans ses bras et la porte sur le lit d'une manière extrêmement sensuelle : "La scène m'étonne. Voilà un homme, vêtu d'une cape en velours noir qui arrive par la fenêtre dans un halo de brume, et séduit une fille sur un lit, et, à ce moment là, il n'y a pas un rire, ni même un gloussement étouffé dans la salle. Je pense qu'il touche terriblement les femmes. D'être enlevées ainsi, d'être possédées, c'est leur rêve le plus sauvage. Les hommes aussi ressentent une énorme excitation."
Jeremy avait besoin de vingt minutes tous les soirs pour devenir le personnage, appliquer un léger maquillage et revêtir son costume aux multiples éléments.
 
Selon Ann Bloom du magazine Applause : "Brett se plaisait dans chaque élément de son costume, la blouse de crêpe au large col imitant des ailes de chauve-souris, la veste de velours noir avec la montre de gousset ornée de dents, le pantalon de velours noir rapiécé pour cacher le trou fait en une fraction de seconde alors qu'il disparaissait de la scène, la cape immense dont le col ingénieux permettait de se draper entièrement le corps. La cape en elle-même est un spectacle. Il la fait  tournoyer, voleter, claquer comme des ailes géantes. "
 
Le premier jour de la répétition, Dennis Rosa, le metteur en scène, expliqua à Jeremy la signification de la cape. "Rosa a cette merveilleuse vie pleine de fantaisie. Il me raconta 'Quand j'étais enfant, je m'attendais à ce qu'une masse entière d'hirondelles jaillisse en volant hors de la cape. Vous devez la manipuler comme une sorte d'aile de chauve-souris.' "
The Works of Edward Gorey
 

REPRESENTATIONS DE DRACULA
 

Ahmanson Theatre, Los Angeles, 1978
 
Auditorium, Denver, Novembre 1978
 
Fox, San Diego, Décembre 1978
 
Curren, San Francisco, Décembre 1978
 
Shubert, Chicago, Février 1979
La pièce " Dracula" débuta à Broadway en 1977 avec Frank Langella dans le rôle du Comte et les décors d'Edward Gorey. C'était une reprise de la première version de 1927 jouée à Broadway avec Bela Lugosi. À l'instar de Lugosi, Langella interpréta Dracula dans une adaptation de la pièce pour le cinéma en 1979.
 
À la fin de l'année 1978, Jeremy reprit le rôle. A son tour, il enfila la cape du célèbrissime vampire pour une tournée nationale de cette même production qui connut un succès triomphal. Les représentations battirent tous les records dans les trois villes de Los Angeles, de San Francisco et de Chicago. En à peine sept semaines à l'Ahmanson Theatre de Los Angeles, la recette atteignit la somme record de 1.104.704 $ !
DRACULA DANS LA PRESSE
Après avoir assisté à la représentation, Walter Kerr décrivit "l'effet" Gorey dans le New York Times.
 
"Le rideau s'ouvre non pas dans une pièce, mais dans un dessin, un immense croquis en deux dimensions au crayon et à la plume, nous transportant comme dans le tombeau de Tholos à Mycènes et partout dans cet enchevêtrement se cachent les contours d'ailes de chauves-souris. Des ailes de chauve-souris qui battent dans les corniches et les frontons, des ailes de chauve-souris qui battent dans les meubles tapissés de bleu gris.  Lorsque l'héroïne Lucie s'avance, dansant sur l'air d'une ancienne radio et sirotant le sang rouge contenu dans son verre à vin, on découvre dès qu'elle étend les bras, qu'elle est, elle aussi, drapée d'une robe aux ailes de chauve-souris."
Jeremy connut également quelques bons moments avec le Comte, et la ville de Chicago. Le journaliste Jeff Lyon révéla : "Brett dut reconnaître, que lors d'un récent cocktail, une femme le supplia de lui mordre le cou et qu'il y consentit, répétant le geste plusieurs fois durant la soirée. Et l'autre matin, il mordit l'hôtesse sur le A.M. Chicago". Mais les femmes de Chicago n'avaient vraiment pas besoin d'avoir peur. Jeremy les aimait : "J'aime l'allure des filles de Chicago" déclara –t-il à Maggie Daly de la Tribune "leurs talons hauts, leurs jeans, leurs petites fourrures et lunettes de soleil."
 
Par contre il détestait le froid glacial qui régnait à Chicago en ce mois de Février : "Je déteste le froid. A Los Angelès, on me disait : Comment pouvez-vous chasser le phoque? Ici, dans ce climat, si une mouffette traversait la rue, je pourrais lui tirer dessus et en faire un manchon. Le hall d'entrée du Shubert est chauffé, mais le théâtre lui-même ne l'est pas pour cette pièce… vous devez compter sur la chaleur de votre corps. Je ne suis pas souvent sorti, mais un jour je suis allé sur l'Avenue Michigan et j'ai dépensé 500 $ en 25 minutes... La vendeuse avait tout ce que je demandais... l'écharpe en cashmere, la montre avec alarme, etc… Je me suis rué alors vers l'hôtel Ambassador et je me suis terré."
Edward Gorey
Gorey a créé d'innombrables costumes et décors pour le théâtre, selon la technique du Toy Theatre, le Théâtre de papier, c'est à dire un théâtre miniature, tenant sur une table, où les figurines hautes de 8 à 12 cm sont placées au sein des planches du décor de carton en noir et blanc.
 
Le travail de Gorey pour les décors et les costumes de la production de "Dracula" à Broadway, lui valut d'être lauréat du Tony Award du Meilleur Concepteur de Costumes en 1978. Il a également été nominé pour cette même pièce, la même année, en tant que Meilleur Décorateur.
 
Avec sa sensibilité mystérieuse, à la fois élégante et raffinée, l'artiste voulait que les vampires eux-mêmes soient correctement vêtus et évoluent dans un monde fantasmagorique aux décors inspirés de dessins macabres et inquiétants.
 
Paradoxalement, et malgré l'éloge unanime des critiques, Gorey n'aimait pas son œuvre. Il avoua au New York Post : "J'ai tendance à n'aimer aucune de mes réalisations. Je n'ai pas travaillé par amour. Je l'ai fait uniquement pour l'argent..."
Jeremy joua le Comte Dracula dans les décors de l'un des plus célèbres illustrateurs américain, Edward Gorey, qui imagina également les costumes et l'affiche de la pièce.
 
Edward Gorey (1925-2000) était un artiste vraiment original, auteur et illustrateur, qui a publié une bonne centaine de livres illustrés de dessins minutieux à la plume noire. Ses dessins sont étranges, inquiétants, voire sinistres, décrivant des personnages énigmatiques dans des situations surréalistes ou consacrés exclusivement à des objets inanimés. Ils restent néanmoins joyeux et pleins d'humour macabre.
 
Ses œuvres singulières oscillent souvent entre les deux catégories "enfant" et "adulte". Gorey a également fait des illustrations pour des journeaux et des centaines de livres d'auteurs classiques (Charles Dickens, H. G. Wells, Virginia Woolf). Il est connu par des millions de téléspectateurs grâce à son animation du générique de la série télévisée de PBS "Mystery !" depuis le début en 1980. La toile de fond et les décors sont le fruit de son travail (adapté par Derek Lamb).
LE THÉÂTRE DE PAPIER D'EDWARD GOREY
Jeremy fit preuve d'une certaine prudence vis-à-vis du rôle de Dracula :
 
"Vous devez  oublier complètement votre personnage quand la pièce est finie. Dracula est une créature avec laquelle il est impossible de vivre jour après jour."
 
Bien plus tard, il fut amené à faire la même remarque pour Sherlock Holmes pour lequel il éprouva la même chose. Plusieurs parallèles intéressants existent entre l'interprétation de Dracula et celle du détective.
 
Afin de garder la maimise sur le Comte  -  et de l'aider à différencier son interprétation de celle de ses prédécesseurs (en particulier Bela Lugosi)  - Jeremy inventa un passé au Comte, comme il le fera pour Holmes. Pour son rôle, l'acteur portait des chaussures pointues et marchait avec la grâce féline d'un chat - il choisit cette même manière de se déplacer pour Holmes.
Les critiques s'amusèrent également beaucoup à propos de la pièce et du  Dracula interprété par Jeremy. Voici quelques extraits de leur esprit "mordant" :  
 
"Jeremy Brett connait quelque chose de la jugulaire en tant que zone érotique." - (Chicago Tribune, Février 1979)
 
"Jeremy Brett ... est véritablement à vous donner la chair de poule" - (San Francisco Chronicle, 22 Décembre 1978)
 
"Le vampire de Jeremy Brett est un aristocrate qui n'est pas né d'hier à l'élégance nonchalante. " - (Chicago Tribune, Feb 9, 1979)
 
"Ce Dracula a une morsure drôle et sinistre." - (The San Francisco Chronicle)
 
"Dracula a besoin de mordre de plus belle. Dracula, cette unité mobile pour transfusions au box office, débutera Mardi dans des décors d'Edward Gorey, lauréat d'un award, et dans un style théâtral éclectique, melo dramatique, "hotdog". C'est d'une manière attchante de la culture pour stupides mômes, mais le vampire de Jeremy Brett est élégant, presque aristocratique. Il fait oublier les décors plein d'esprit de Gorey… Toutefois, le casting est meilleur que celui de la version actuelle de Broadway, et le style est plus cohérent." -  (The Chicago Tribune)
Mais interpréter Dracula causa quelques désagréments à l'acteur. A force de jouer de la cape, car il devait continuellement la rejeter dramatiquement autour de lui, Jeremy attrapa ce qu'il appela un "Dracula elbow" au bras gauche. La cape ne pesait pas moins de trente pounds soit presque quinze kilos !
 
Tous les soirs il devait également boire des cocktails de jugulaire à petites gorgées en émettant des sons rauques. Jeremy déplora que "toutes ces vociférations" soient très mauvaises pour la gorge.
 
"Je dois rugir tout au long du spectacle. Quand il est sur scène, Dracula fait un tas de bruits tonitruants, surtout au second acte. Je pensais qu'Hamlet était violent, mais ici aussi c'est pareil. C'est si violent quand cela atteint son paroxisme, que cela m'épuise. Je sors en chancelant."
Dracula
de Denis Rosa
- 1978 / 1979 -
Rôle: Dracula
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