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Pourtant au début, Jeremy détestait Sherlock Holmes et doutait sur la façon d'aborder son rôle. Michael Cox pensait qu'il n'avait pas tout de suite pris conscience du personnage qu'il jouait. "Il ne réalisait pas qu'il allait interpréter une sorte de superman intellectuel mais aussi quelqu'un toujours prêt à rendre service et facilement abordable. Cela lui apparut peu à peu, quand il comprit qu'il était en train de jouer un des sauveurs du vingtième siècle."
 
Jeremy finit par se passionner pour cet être complexe et contradictoire dans sa personnalité et son comportement, ce personnage sombre qu'il surnomma "damaged penguin" ou  "black beetle" (pingouin blessé ou scarabée noir).  Il tenait à apporter une interprétation renouvelée et riche d'interêt. "Trouver" son personnage exigea de lui un énorme travail de recherches et d'acteur. Interpréter Sherlock Holmes était bien plus qu'un simple rôle.
 
A l'occasion d'interviews, il insistait sur tout le temps qu'il lui avait été necessaire pour y parvenir. Grand perfectionniste et professionnel, il relut entièrement le Canon et les écrits de Conan Doyle. Il étudia le caractère de Holmes dans les moindres détails. Il y passait des nuits entières notant et enregistrant ses idées sur un magnéto. Souvent levé à 3 heures du matin, Jeremy se préparait mentalement à "être" Holmes. Pour une totale symbiose, il dormait souvent dans le lit du détective qui servait de décor sur le plateau de tournage.
 
Selon sa méthode dite du 'becoming' (technique de jeu mise au point par Stanislavski) Jeremy s'imprégna de son personnage telle une éponge : "Vous devenez  le personnage que vous jouez ... vous extrayez votre propre liquide et absorber celui de la personne que vous interprétez." Pour mieux l'appréhender, il lui donnait une réalité et une vie propre.
         Jeremy au fil de la Série
Si Jeremy Brett n'avait pas interprété Sherlock Holmes, il n'aurait sans doute jamais atteint une telle notoriété. Si la série n'avait pas eu un Sherlock Holmes tel que Jeremy, elle n'aurait probablement pas connu un tel succès mondial.
 
Jeremy Brett disait : "Holmes est un défenseur de la loi, il a un magnétisme et un génie mental qui ont toujours été irresistibles pour le public à travers ces cent dernières années."  Jeremy lui-même, fut un défenseur de l'holmésologie et ses prestations magnétiques et électrisantes ont conquis des millions de téléspectateurs depuis 1984.
 
L'acteur a porté la série sur ses épaules pendant 10 ans. L'interprète et son personnage ont formé une symbiose délicate et parfois dangereuse. Habité, presque hanté par son personnage, il a rendu à l'écran toute sa complexité psychologique. La série est en partie son œuvre et l'œuvre de sa vie.  
 

Devenir un mythe...
 
Lorsqu'il signa le contrat qui fit de lui le 117ème acteur à jouer Sherlock Holmes en 1983, Jeremy aborda son rôle avec un sentiment mélé d'excitation et de peur. Michael Cox ne pouvait pas imaginer à quel point Jeremy était terrorisé. Interpréter le détective mythique représentait à la fois, une lourde responsabilité, un défi à relever et un danger à maitriser. En 1995 lors d'une interview à la radio et TV américaines, Jeremy déclara que "... de nombreux acteurs craignent que s'ils jouent Sherlock Holmes pendant très longtemps, le personnage ne leur vole leur âme, ne leur laisse plus de place pour eux mêmes – et qu'à la fin, les laisse incapables de jouer sans une pipe et une casquette de chasse.
 
" Jeremy se rappelait son ami Alistair Cooke lui disant que Sherlock Holmes était l'un "des trois hommes les plus mémorables du 20ème siècle." Un homme fictif, dont certaines personnes étaient pourtant persuadées qu'il avait bel et bien existé. Un sondage de la chaîne UKTV de 2009, a révélé que 58% des Britanniques croyaient dur comme fer à l'existence de Sherlock Holmes! Un personnage si fort et emblématique que son nom - comme Hamlet - ne devait pas être prononcé. Il fallait dire : 'You-Know-Who' (Qui-Vous-Savez) ...
 
Quand David Stuart Davies demanda à Michael Cox pourquoi il avait choisi Jeremy Brett pour jouer Holmes, il répondit qu'il voulait un acteur classique, de style shakespearien pouvant jouer Hamlet. "Le fait est qu'il avait la voix, l'intelligence, la présence, le physique, qu'il était capable de "sauter par-dessus les meubles...", monter à cheval, se déguiser et tout le reste. Pour moi, Brett était la combinaison idéale de tout cela." En effet, Michael Cox fut bien inspiré... Pour des millions d'admirateurs tout autour du monde, Jeremy devint Sherlock Holmes. Dans leur esprit, il n'y avait plus de différence entre l'acteur et le personnage. Ils ne faisaient qu'un.
"Et l'auteur du script me dit : "Jeremy, vous êtes ici pour jouer. Alors continuez."  J'ai renversé la table et ma sole a atterri sur ses genoux... Et ce fut le début de la prise de bec. J'avais l'habitude de prendre tout le Canon avec moi au début de chaque film, et à me battre pour Doyle. Après environ un an et demi, j'ai dit : "Ecoutez, si vous ne commencez pas à vous occuper de moi, ça risque de ne plus m'interesser," car c'était une telle lutte. Mais les Studios de Granada sont intervenus et ont été remarquables et merveilleux. Ils m'ont donné deux semaines de répétition au lieu d'une. Donc, la première semaine je pouvais me battre pour Doyle et la seconde, je pouvais travailler avec mes camarades acteurs. Et c'est fondamentalement ce qui se passe depuis lors."
 
Jeremy rajoutait que : "Le problème avec les adaptations c'est que vous n'avez pas vraiment votre propre idée créative. Vous vous faites un peu d'argent au passage. Par conséquent, tout le temps, les adaptateurs essayent leurs propres trucs. Je m'assoie là, je lis le script et je dis : "Mais ne croyez-vous pas que Doyle soit meilleur ? Tout le long le problème a été d'essayer de faire du Doyle."
 
Ainsi, David Burke se rappelait combien Jeremy était furieux à la lecture du script du Crooked Man (Le Tordu). Dans l'histoire les deux amoureux se retrouvent après de nombreuses années. Elle est à présent mariée à un officier militaire et lui est estropié. Ils se reconnaissent cependant dans une rue sombre et déserte, sous la lueur d'un réverbère.
 
Pour des raisons pratiques, la rencontre de la version Granada fut réalisée pendant une vente de charité de l'Armée du Salut. Pour Jeremy, cette salle envahie de gens tuait l'émotion poignante de cet instant d'intimité entre les deux personnages.  "Il y eut une grosse dispute à ce sujet" déclara David Burke, "Jeremy était très en colère de ce changement. Du sang coula presque et des larmes furent versées, mais il perdit la bataille"
Jeremy raconta dans une interview de Novembre 1991 : "Je parle de la méthode du 'becoming'. Ce que j'entends par là est une vie intime. Watson décrit 'Vous-Savez-Qui' [Holmes] comme  un esprit sans cœur, ce qui est dur à jouer, difficile à devenir. Alors je me suis mis à inventer une vie intime. Je veux dire, par exemple, je sais à quoi ressemblait sa nourrice, elle était couverte d'amidon. Elle l'a probablement frotté, mais jamais embrassé. Je pense qu'il n'a probablement pas vu sa mère avant l'âge d'environ huit ans. Peut-être a–il senti l'odeur de son parfum et le bruissement de sa robe. J'imagine que l'époque du collège a été assez compliquée, car il était très isolé. Il a probablement aidé une jeune fille à traverser la cour et en est tombé amoureux, mais elle ne l'a jamais regardé .... alors il a fermé la porte. Et il est devenu un brillant escrimeur, bien sûr comme nous le savons, et un maître dans l'art de la boxe... un brillant athlète ... et une infinité de petits détails que je dois inventer pour remplir un peu ce vide ... ce que Doyle a si brillamment laissé de côté. "
 
Pour l'aspect physique, Jeremy opta pour un maquillage blanc, un masque froid dissimulant les émotions et les sentiments du cérébral détective. C'était également une façon pour lui de se protéger de l'emprise de Holmes. Ce dernier était droitier, Jeremy gaucher. L'acteur fit beaucoup d'effort pour essayer d'écrire avec sa main droite, mais finalement il du se résoudre à être doublé quand on voyait Holmes écrire en gros plan. Holmes fumait comme un sapeur : cigarettes, cigares et pipes. Jeremy, fumeur invétéré lui-même, détestait la pipe. Son frère Patrick, expert en la matière, lui donna des leçons et lui fournit du tabac doux. Mais ce ne devint jamais un plaisir pour lui.
 
Jeremy devenu un spécialiste es holmésologie, tenait absolument au respect de l'œuvre doylienne. Cela le conduisit parfois à des conflits avec les scénaristes et les producteurs quand ils prenaient trop de liberté avec les textes.
 
L'acteur raconta en Novembre 1991 : " J'ai découvert toutes les choses que je pouvais faire, si je devais avoir l'occasion de le jouer. Alors, j'ai dit "oui !", avec une énorme témérité, une certaine dose de peur et une part d'excitation. Nous avons abordé les scripts. J'ai dit : "Mais vous m'avez demandé de faire le Sherlock Holmes de Sir Arthur Conan Doyle. Ce ne sont pas les vraies histoires de Sherlock Holmes de Doyle. Je veux dire, les adaptateurs s'en étaient tellement éloignés."
 

Il est malheureux de constater que cette réconciliation intervint si tardivement, alors que Jeremy était de moins en moins en mesure d'assurer une prestation de qualité. Sa santé précaire altèrait également sa vision de Holmes. Il ne défendait plus avec autant de ferveur la fidélité canonique, ne se battait plus avec passion et virulence pour un détail mineur du script.
 
A mesure des épisodes, les fans de Jeremy eurent le cœur serré en suivant sa dégradation physique.
 
Le tournage de L'Affaire des Trois Pignons, début 1993, s'avèra une épreuve de force. Jeremy était hors d'état de jouer convenablement. A bout de souffle, incapable de se mouvoir normalement, il s'évanouit sur le plateau et dut être hospitalisé d'urgence pour insuffisance respiratoire et cardiaque. De retour, il parvint à grand peine à finir l'épisode… en fauteuil roulant et sous un masque à oxygène. Son état cocntinuant à se dégrader, il dut retourner à l'hôpital. Maintenant c'était avéré que l'acteur principal était gravement malade. Son poids avait encore augmenté pour atteindre 100 kg (16 stone) - au début de la série il était de 76 kg pour 1,88m - son visage gonflait, il n'avait plus de sensation dans les pieds et ses jambes le faisaient souffrir. Malgré cela, Jeremy tourna tant bien que mal Le détective agonisant - au titre révélateur... Lorsque Jeremy perdit ocnnaissance à la fin du l'épisode et fut conduit à Charters Nightingale Hospital, la productrice June Wyndahm Davies dut se résoudre à l'évidence que son acteur principal était gravement malade et que l'avenir de la série était compromis. Il lui fut ensuite impossible d'assurer sa prestation dans La Pierre de Mazarin.
 
Jusqu'à la fin le professionnalisme de Jeremy ne lui fit jamais défaut et il tenta de proposer une prestation de qualité, avec les moments poignants du grand acteur qu'il était.  Il en souffrit d'autant plus que public et presse ignorant la vraie nature de son problème, critiquaient son changement d'aspect physique et le culpabilisaient.
L'acteur réussit pourtant à se rétablir à nouveau rapidement et passa - étonnamment - avec succès l'examen médical obligatoire auquel chaque acteur doit se soumettre avant de signer son contrat. Sherlock Holmes put donc revenir devant les caméras, pour deux séries supplémentaires et trois longs métrages de Granada. Mais Jeremy n'atteignit jamais la grandeur de ses premières prestations.
 
A l'époque des Archives, Jeremy commença à apprécier réellement de jouer son personnage. Il raconta à ce propos : "Eh bien, cela m'est égal maintenant. Je veux dire, il fut un temps, si les gens m'avaient demandé : "Aimez-vous jouer Holmes? ", j'aurais répondu : "Je ne traverserais pas la rue pour le rencontrer." J'ai ensuite découvert que, bien sûr, je voulais dire qu'il n'aurait pas traversé la rue pour me rencontrer. Ensuite, lorsque je jouais la pièce [The Secret of Sherlock Holmes], qui m'a énormément appris parce que j'étais en contact avec les gens - parce qu'on est très isolé en tournage - et que je me suis rendu compte que tant d'enfants le voyaient et quel héros il était pour eux. J'ai pensé, 'Oh, ça par exemple, je ne savais pas', alors je me suis dit : "Mon Dieu, quel plaisir de le faire pour les enfants. "  
 
S 'il n'était pas sorti indemne de cette cohabitation avec un héros à l'opposé de lui même, Holmes ne lui faisait plus peur. Il abordait enfin son rôle avec recul et sérénité.
Peu de temps après la fin des derniers tournages, en Mars 1994, Jeremy retourna un mois à l'hôpital. Il savait qu'il ne pourrait plus jamais endosser son rôle et rompit son contrat avec Granada. Les Mémoires furent diffusées sur ITV au printemps 1994, les critiques furent désastreuses pour la saison et éreintantes pour Jeremy. Le Daily Telegraph alla même jusqu'à titrer "Le cas du détective ridicule." Le public, sans même s'alarmer de son changement de physionomie, le condamna cruellement. Triste fin pour cette remarquable série.
En dépit de ses efforts pour rester fidèle à Conan Doyle, Jeremy reconnut avoir "fait des erreurs terribles". "C'était un contre-emploi. Je suis un acteur du genre héros romantique. Alors, j'étais tout à fait conscient que je devais cacher terriblement de moi même, et ce faisant, je pense que j'apparais très souvent brusque et peut-être parfois même un peu brutal. En fait Dame Jean Conan Doyle, la fille de Doyle, qui est une de mes grandes amies personnelles, m'avait dit une fois : " Je ne pense pas que mon père voulait que You-Know-Who soit si brutal" et j'ai répondu : "Je suis terriblement désolé, Dame Jean, j'essayais seulement de me cacher".
 
L' acteur reste bien sûr le Holmes classique brillant logicien, mais il renouvèle l'image du détective précurseur de la police scientifique moderne. Bien plus que le génie intellectuel impénétrable, il propose un Sherlock Holmes humain, analytique, presque philosophique. Son don pour l'observation s'applique à la nature humaine. Il étudie avec dureté ou bienveillance l'âme des criminels, voyous des bas-fonds, notables corrompus, anciens soldats spoliés; il analyse les sentiments qui les poussent au crime, amour, cupidité, jalousie, vengeance...
 
Sous le masque désabusé et derrière les volutes de fumée, on découvre un homme tourmenté, faillible, parfois souffrant. Il offre toute la complexité du caractère, fait d'obscurité, d'humour, d’ennui permanent et de dépendance à la stimulation - des enquêtes ou des injections de cocaïne et morphine. Oscillant entre excitation et lymphatisme, génie et folie, il réussit à créer un personnage au grand pouvoir de fascination. Ses gestes larges et stylés correspondent à la personnalité théâtrale de Holmes qui aime surprendre. Il est en représentation permanente.
 
Le style de jeu si personnel de l'acteur sert magnifiquement son interprétation. Cependant, Jeremy portait le sombre secret de la maniaco dépression. Ses excentricités, sa voix emphatique, ses brusques volte-face, ses regards fulgurants en étaient en partie la conséquence. Le trouble bipolaire peut, tantôt déclencher une grande excitation et une totale euphorie, tantôt engendrer une sombre mélancolie et une profonde tristesse. Mais il était capable en tant qu'acteur – et un acteur flamboyant -  de canaliser cette affliction quand il jouait Holmes et d'en tirer le meilleur.
 
Jeremy avoua un jour à David Stuart Davies que s'il avait "été un banquier ou un épicier", il n'aurait pas pu faire face, alors qu'il "était facile de camoufler le démon quand on doit déclamer et délirer sur scène chaque soir…". Toutefois cet équilibre précaire fut ébranlé à partir de 1985. Les années sombres commençaient.
Les épisodes du Retour de Sherlock Holmes en boîte, Jeremy enchaîna au théâtre dès l'automne 1988, dans la pièce de son ami Jeremy Paul, "The Secret Of Sherlock Holmes". Le poids du stress psychique et physique, un rôle écrasant, l'enchaînement des représentations dégradèent sa santé. Son état psychique empira jusqu'a perturber son interprétation. Parfois, il partait dans de longues improvisations et quand Edward Hardwicke s'en plaignait, se mettait en colère, pour dès le lendemain, lui demander pardon.
 
Après plus d'un an de  représentations, Jeremy fit une longue pause de six mois avant le tournage au printemps 1990, des nouveaux épisodes. Totalement épuisé, il tomba malade lors de vacances à l'étranger et fut rapatrié et hospitalisé en urgence. Les médecins s'aperçurent alors de l'incompatibilité entre les médicaments traitant ses troubles bipolaires et sa pathologie cardiaque. Son état s'avéra très alarmant.
 
Jeremy souffrait également des effets secondaires du traitement au lithium : problèmes de concentration et prise de poids. Peu à peu, ils boursouflèrent son corps et l'homme svelte et agile des premières saisons de Granada, laissa place à un personnage au visage bouffi, au corps lourd.  A partir des années 90, il ne portait plus que du noir pour cacher son embonpoint. Il avoua à David Stuart Davies "Je gonflais comme un ballon à cause de ses médicaments et la rétention d'eau. Dans les derniers films, je me dandinais réellement."
 
Les premiers signes étaient apparus alors il tournait Le Chien des Baskerville en 1988. Jeremy détestait sa nouvelle apparence. Il déplorait de ne plus du tout ressembler à l'image idéale de Holmes qu'il voulait donner et s'en excusa dans une lettre publique (voir page suivante).
Tout semblait se passer pour le mieux, quand Jeremy sombra dans les affres de la dépression. A la fin du tournage des Six Napoléons en Août 1986, il est admis au Maudsley Psychiatric Hospital, au sud de Londres. Edward Hardwicke se rappela cette période : "Je suis allé lui rendre visite à Maudesley, un lieu sinistre et dépressif, bien que les soins y soient très bons. Il était  là sous le nom de Huggins, car tout le monde était conscient que sa maladie ne devait pas être divulguée à la presse. Le pauvre homme… ils l'avaient vraiment abattu avec les médicaments afin de maîtriser l'élément maniaque de la maladie. C'était le problème avec Jeremy.  Quand vous l'appeliez au téléphone, et qu'il claironnait "Je vais merveilleusement bien", alors vous pouviez vous inquiéter. Mais à l'hôpital de Maudesley, quand je le vis, il était très inhabituellement calme. Je me souviens lui avoir apporté quelques stupides friandises, réalisant après coup combien cela était idiot. La nourriture était la dernière chose qui pouvait l'intéresser alors."
 
Malgré les précautions prises, les tabloïds firent largement écho de l'hospitalisation de l'acteur vedette. Le Sun titra : "TV Sherlock in Mental House" "Le Sherlock Holmes de la télé chez les fous."  Deux journalistes réussirent même à forcer la porte de sa chambre avec une caméra, pour lui demander s'il avait le SIDA. Furieux, Jeremy les jetta dehors, mais cet incident le laissa profondément bouleversé.
 
A sa sortie de Maudsley, dix semaines plus tard, Edouard Hardwicke vient le chercher. Jeremy raconta : "la personne qui m'a recueilli était  Edward. Il m'a emmené dans un restaurant italien... Puis il m'a reconduit chez moi, où nous nous sommes assis pour boire une tasse de thé. C'était Edward Hardwicke. Il est l'une des personnes les plus adorables et je suppose qu'il est le meilleur ami qu'aucun homme n'ait jamais eu dans la vie. Ce qui est finalement la façon dont Doyle a décrit Watson."
 
Edward Hardwicke déclara encore : "Je me rappelle lui avoir entendu dire une chose terrifiante à ce moment là. Terrifiante pour un acteur. Il me dit un jour qu'il était réellement effrayé. Je lui demandais pourquoi. Il répondit : 'Parce qu'en m'équilibrant et en me calmant, je risque d'avoir perdu ma capacité de jouer.'  Je comprenais cette peur et elle était bien réelle pour Jeremy."  Jeremy se rendit pourtant immédiatement à Manchester pour commencer le tournage du Signe des Quatre. A cette époque, il haïssait Holmes, ce personnage pour lequel il s'était mis en danger et se jura de ne plus jamais risquer sa santé mentale pour lui.
 
Un jour il s'arma d'une paire de ciseaux pour se couper les cheveux très courts. Il en expliqua la raison : "Avant mes cheveux étaient longs et je devais les coiffer en arrière en les plaquant. Maintenant qu'ils sont courts cela me permet de me passer les doigts dedans, de les ébouriffer, ce que je ne pouvais pas faire auparavant. C'est une autre façon de jouer le personnage."  Mais il y avait une autre explication à son geste. Les cheveux ont une valeur symbolique, ils sont l'expression de ce que nous sommes et de ce que l'on veut montrer. Selon Edouard Hardwicke, Jeremy en période de crise, se serait attaqué à ses cheveux pour échapper à l'emprise néfaste de Holmes. Il inaugura sa nouvelle coupe dans L'Aventure du Pied du Diable. Etrange coïncidence, dans cet épisode Holmes est au bord d'une grave dépression nerveuse...
Le 21 Juillet 1985, 17 jours après la mort de sa femme Joan et 96 représentations théâtrales à New York, Jeremy retourna définitivement en Angleterre pour tourner le Retour de Sherlock Holmes en Septembre. Dans une confèrence de presse, Michael Cox avait annoncé que Granada continuait la série. Sept épisodes étaient déjà prévus. Rien ne semblait changé... Et pourtant.
 
Le départ de David Burke avait été une épreuve supplémentaire. Particulièrement affecté, Jeremy se le rappellait avec chagrin : "La dernière fois que nous avons terminé le tournage ensemble, je suis descendu du même train [Manchester station] et lui ai fait un signe d'adieu. C'était absolument déchirant. Je ne sais pas comment je suis rentré à l'hôtel. J'ai pensé : "Qu'est ce que nous allons faire maintenant ? "  Mais j'étais tellement fier de lui d'être retourné auprès de son fils. Il y aurait davantage de mariages heureux si les pères revenaient vers leurs enfants. Son fils n'avait que deux ans à l'époque. "
 
Jeremy perdait un grand ami et appréhendait de se retrouver avec son nouveau partenaire. Edward Hardwicke et lui se connaissaient pour avoir fait partie de la troupe de Laurence Olivier, la National Theatre Company, dans les années 70. Mais appartenant à deux groupes différents, ils n'avaient jamais eu l'occasion de travailler ensemble. Hardwicke avait gardé de lui à cette époque, le souvenir d'un jeune homme "flamboyant."
 
Dès le tournage du premier épisode Le Manoir de l'Abbaye, Edward Hardwicke se montra un parfait Watson. Jeremy se sentit d'emblée à l'aise. A l'unisson sur leurs visions de la série et des personnages, ils se complétèrent parfaitement et devinrent très amis.
 
Jeremy raconta cette anecdote : "Edward est un homme vraiment très remarquable  une des meilleures personnes que j'ai jamais rencontrée dans ma vie. Et il désirait faire de son mieux. Ainsi, il a regardé les treize précédents films et décida d'essayer de ressembler un peu à David Burke, autant qu'il le pouvait. Alors, il a mis un postiche et, hum... des talonnettes dans ses chaussures. Et dans le premier film tourné ensemble, nous courrions à travers champs et lui... ses talons étaient trop hauts, il dérapait et glissait. Alors je lui ai dit, "Oh, Edward, Enlevez-les ! Je vais plier les genoux pendant le reste du film ! "
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