Sherlock Holmes versus James Moriarty
Prénom : James
Nom : Moriarty
Nationalité : Britannique
Date de naissance : inconnue
Date de décès : 4 mai 1891 (chutes du Reichenbach)
Première apparition : Le Dernier problème publié en 1893
Dernière apparition : La Vallée de la peur publié en 1915
Situation familiale : Célibataire
Famille : Deux frères : le colonel James Moriarty et un frère cadet chef de gare établi dans l'Ouest de L'Angleterre
Profession : Professeur de mathématiques, criminel professionnel
Compétences : Intelligence exceptionnelle, génie des affaires et des mathématiques, expert planificateur et manipulateur, scientifique accompli, combattant au corps-à-corps
Capacités : Charisme, leadership, immenses ressources
Passe-temps : Exercer les mathématiques, planifier des crimes
Crimes : Crime organisé, vols, trafic, contrefaçon, meutres, intimidation, etc.
Objectifs : Dominer Londres et plus loin, éliminer Sherlock Holmes
Reichenbach Falls
Conan Doyle concluait ainsi avec brio les aventures du célèbre détective. S'il avait survécu, toute autre enquête ultérieure aurait semblé bien futile. Soulagé d'en avoir fini, l'auteur écrivit à un ami qu'il ne pourrait pas le faire revivre et que l'évocation même du nom de Holmes lui donnait la nausée...
 
Conan Doyle se croyait définitivement libre de commencer sa nouvelle vie. Il n'en fut rien. Les lecteurs réclamèrent à cor et à cris le retour de leur héros. Ils arborèrent même des brassards noirs dans Piccadilly. Son éditeur insistait pour qu'il se remette à l'ouvrage. La mère de l'écrivain elle-même était consternée. Cette désolation générale, ces protestations véhémentes et les enjeux financiers contraignirent Conan Doyle de ressusciter le détective dans La Maison Vide...
Professeur Moriarty - Professor Moriarty (wiki)
James Moriarty - The Arthur Conan Doyle Encyclopedia
A Arthur Conan Doyle Character Professor James Moriarty
Professeur Moriarty | Wiki Méchants Fr. | Fandom
Professor James Moriarty - Baker Street Wiki - Fandom
Professeur Moriarty (Wikipedia)
Araignée, Bête venimeuse, Génie du Mal, Napoléon du Crime, Archi-criminel, Seigneur du crime, Roi des démons, Criminel des criminels...  et autres surnoms infâmes qui dresse un portrait bien peu avenant du professeur James Moriarty.
Mais qui est-il exactement ?
 
L'ORIGINE CANONIQUE
 
Arthur Conan Doyle souhaitait en finir avec Sherlock Holmes pour consacrer son temps à sa passion pour l'histoire et ses œuvres "sérieuses".  L'auteur a donc spécialement créé Moriarty pour tuer son héros.
 
Moriarty apparaît et disparaît en même temps dans Le Dernier Problème qui devait être - comme l'indique son titre - l'ultime aventure du détective. Pour mieux faire accepter sa mort auprès des lecteurs, Conan Doyle lui offrit une fin prodigieuse auréolée de gloire digne de lui.
 
Holmes, sur le point de porter un coup fatal au réseau criminel de Moriarty, est désormais l'homme à abattre. À plusieurs reprises, Moriarty tente de faire supprimer son rival, mais Holmes parvient à en réchapper de justesse.  Pour la première fois de sa carrière, le détective craint vraiment pour sa vie, et se réfugie sur le continent pour échapper aux représailles.
 
Malheureusement, le cerveau criminel continue à le traquer sans relâche et les deux antagonistes finissent par se retrouver aux chutes vertigineuses du Reichenbach près de Meiringen en Suisse. Au terme d'un affrontement sans merci, ils sucombent corps et âme  précipités dans la fureur des eaux. Holmes faisait ainsi le sacrifice de sa propre vie de façon spectaculaire, et de concert, débarrassait le monde du criminel suprême !
LES MODÈLES DU PROFESSEUR MORIARTY
 
Le personnage de Moriarty semble avoir été inspiré par plusieurs criminels notoires et personnalités scientifiques de l'époque.
 
Le modèle que Conan Doyle cite lui-même dans La Vallée de la peur est Jonathan Wild, le génie du crime londonien du 18ème siècle. Holmes mentionne son nom en essayant de comparer Moriarty à un criminel que l’inspecteur Alec MacDonald pourrait connaître.
 
Un autre modèle historique vivant à cette époque, est Adam Worth, un criminel américain d'origine allemande devenu le maître du crime londonien. Le détective de Scotland Yard, Robert Anderson, l'avait surnommé le "Napoléon du monde criminel", expression que reprit presque mot pour mot Conan Doyle en qualifiant le Professeur Moriarty de "Napoléon du crime".
Les hauts faits du professeur Moriarty semblent avoir été empruntés à des scientifiques bien réels et leurs vrais travaux, bien que les titres des articles aient été changés. Par exemple, Carl Friedrich Gauss écrivit un célèbre article sur la Dynamique d’un astéroïde en 1828 qui obtint un grand retentissement en Europe et obtint une chaire grâce à ses résultats.  La Vallée de la peur fait référence à cet ouvrage en tant que publication de Moriarty. Holmes affirme ainsi que Moriarty est l’auteur du livre La Dynamique d’un astéroïde qu’il décrit comme un "livre qui atteint aux cimes de la pure mathématique et dont on assure qu’il échappe à toute réfutation".
 
Srinivasa Ramanujan écrivit un article sur la généralisation de la formule du binôme de Newton, et gagna une réputation de génie en écrivant des articles réfutant les meilleurs mathématiciens de l'époque.
 
Dans son livre publié en 1985, George Boole: His Life and Work, le mathématicien irlandais et auteur, Des MacHale, suggère qu'il fut l'un des modèles de Moriarty. George Boole était un logicien, mathématicien et philosophe britannique dont les travaux lui valurent la Royal Medal de la Royal Society en 1844, puis une chaire de mathématiques à l'université de Cork.
Dans La Vallée de la peur, histoire qui se situe avant Le Dernier Problème mais qui a été publiée après, Holmes tente d'empêcher les agents de Moriarty de commettre un meurtre. Lorsque Moriarty est interrogé par la police, un tableau de Jean-Baptiste Greuze est accroché au mur. Plus tard, Holmes fait des remarques sur une œuvre du même peintre, La jeune fille à l'agneau. Les holmésiens y voient un jeu de mots de Doyle sur le nom de Thomas Agnew qui s'était fait voler un tableau célèbre par Adam Worth.
 
Certains holmésiens pensent également que Conan Doyle aurait pu s'inspirer de l’astronome américain Simon Newcomb. Brillant scientifique aux multiples talents, en particulier les mathématiques, il est devenu internationalement célèbre quelques années avant la parution des aventures de Sherlock Holmes. Cependant, il n’hésitait pas à employer des procédés malhonnêtes pour détruire la carrière et la réputation de ses rivaux.
Sherlock Holmes décrit le professeur Moriarty en ces termes dans le Dernier Problème :
 
« Il est de bonne famille et il a reçu une excellente éducation.
Prodigieusement doué pour les mathématiques, à vingt et un ans il publiait une étude sur le binôme de Newton, qui fit sensation dans toute l’Europe et lui valut de devenir titulaire de la chaire de mathématiques dans une de nos petites universités.
 
Tout donnait à penser qu’il allait faire une carrière extrêmement brillante.
 
Mais l’homme avait une hérédité chargée, qui faisait de lui une sorte de monstre, avec des instincts criminels d’autant plus redoutables qu’ils étaient servis par une intelligence exceptionnelle.
 
Des bruits fâcheux coururent bientôt sur lui dans l’Université, qui l’obligèrent à se démettre. Il vint à Londres où il se mit à donner des cours destinés aux officiers de l’armée. »
QUEL HOMME EST-IL ?
 
James Moriarty est issu  d’une  famille  honorable et a deux frères qui deviennent, l'un militaire au grade de colonel, également prénommé James, et l'autre, son cadet, chef de gare établi dans l'Ouest de L'Angleterre. Il reçoit une excellente éducation et dès son plus jeune âge, montre qu'il est doté d'une intelligence hors du commun. Il fait notamment preuve de dispositions phénoménales pour les mathématiques.
 
À peine âgé de 21 ans, il publie un traité révolutionnaire sur la formule du Binôme de Newton qui lui vaut une renommée académique à travers toute l'Europe. Le titre exact du traité n'est jamais cité dans les histoires. Dans Le Dernier Problème, Holmes dépeint simplement Moriarty comme l'auteur d'un "traité sur le théorème binomial". Grâce à ce remarquable ouvrage, il obtient une chaire de mathématiques et le titre de Professeur.
Moriarty est un mathématicien polyvalent qui écrit plus tard La Dynamique d'un Astéroïde, son magnum opus d'un tel génie que sa compréhension échappe aux plus grands esprits de son temps. Il s'agit d'une branche des mathématiques très différente du théorème binomial, contenant des mathématiques si abstraites qu'elle reflétent avant tout les impressionnantes prouesses intellectuelles de Moriarty. Là non plus, Conan Doyle ne fournit aucune indication sur le contenu, autre que son titre. Dans La Vallée de la Peur, Holmes le décrit comme un livre qui atteint de tels sommets de pensée de la pure mathématique qu'il échappe à toute critique ou réfutation des autres scientifiques.
 
Moriarty exerce dans l’une des plus prestigieuses universités du pays et semble promis à un brillant avenir... Pourtant de "sombres rumeurs" circulent bientôt à son sujet. Il est alors contraint de démissionner. Dès lors, il gagne Londres où il intègre l'École militaire en tant qu'instructeur pour les officiers. Sous couvert de ce modeste poste, commence alors la véritable carrière de Moriarty qui va lui donner l’occasion de déployer toute sa puissance.
Moriarty est un génie criminel qui a choisi de mettre ses capacités exceptionnelles au service du mal. Son esprit supérieur et les instincts diaboliques véhiculés dans ses gênes, le poussent vers le crime à un degré tel qu'il devient très rapidement un puissant Seigneur du crime. Holmes l'a ainsi surnommé le "Napoléon du crime".
 
Particulièrement bien informé, il gère sa carrière avec efficacité montrant un talent redoutable  pour organiser ses activités délictueuses à la perfection dans une métropole aussi vaste que Londres où il régne en maître. Selon Sherlock Holmes, tout ce qui se commet de répréhensible dans la capitale a pour origine le Professeur. Bientôt son empire s'étend à la pègre britannique, puis européenne. Des passages de La Vallée de la peur nous renseignent davantage sur les activités du cartel qui sous-traite pour des consortiums ou des puissances étrangères qui cherchent à se débarrasser de gêneurs.
 
Ses plans sans faille lui permettent de rester totalemet anonyme sans être jamais inquiété, impliqué, ni soupçonné dans les enquêtes de police. Moriarty sait rester un "être secret et insaisissable", une "ombre qui se cache" et "agit rarement par lui-même". Il "règne sur Londres et personne n’a jamais entendu parler de lui". Selon Holmes encore, "il plane si haut au dessus des soupçons, voire de la critique, il déploie tant de talents dans ses manigances et il sait si bien s'effacer qu'il est difficilement attaquable. " Derrière lui existe une sorte de "puissance occulte".
Telle "l’araignée au centre de sa toile", comme le décrit Holmes, Moriarty a tissé une formidable organisation souterraine entièrement vouée au meurtre, au chantage et à la corruption. Sa toile aux multiples fils s'entrelace dans tout Londres et bien au-delà, formant un immense et puissant réseau où son nom circule comme un murmure avant de disparaître. Personne ne connait sa réelle identité. Pour ce faire, Moriarty est seulement assisté du Colonel Sebastian Moran, son exécuteur des basses œuvres, et de Parker, un redoutable étrangleur, joueur de guimbarde. Il a sous ses ordres une armée d'agents qui lui sont fidèles par respect et par crainte. Même plusieurs années après sa mort à Meiringen, le Colonel Moran n'aura de cesse de vouloir abattre Sherlock Holmes pour venger son patron.
 
Cer il était fatal que les pas du professeur croisent ceux du détective. Holmes est le seul à découvrir la noirceur de l'âme du Professeur qui devient son pire ennemi.
 
Bien que Sherlock Holmes ne soit pas facilement impressionnable, un homme lui en impose : Moriarty. Il reconnait lui-même, qu'il est prodigieusement doué et possède un "cerveau de premier ordre." Il suscite même son admiration : "C’est bien là ce qu’il y a de merveilleux et de génial chez cet homme ! " Holmes voit en lui son alter ego criminel intellectuellement et dit du mathématicien à Watson qu'il est "placé au même niveau que moi sur le plan de l’intelligence."
 
Son égal en esprit ? Son niveau d'intelligence est certes égal, sinon supérieur, à celui du détective. Le Professeur possède des connaissances et des compétences phénoménales les plus éclectiques, tandis que Holmes accuse de sérieuses lacunes dans certains domaines. Comme le  fait remarquer Colin Wilson dans The Killer, comment comparer un génie qui bouleverse la science de son époque, à un détective qui écrit une monographie sur les machines à écrire ?  
Moriarty apparaît bien comme le contrepoint négatif de Holmes ou une sorte de doppelgänger, car il ui ressemble étrangement sur bien des points, physiques et intellectuels. Comme lui, il est "extrêmement grand et mince". Son visage "glabre, pâle, ascétique" "son front qui s'élance dans une courbe blanche" font écho au "visage étroit" et au "front large" de Holmes. "L'acuité du regard"  et "les yeux profondément enfoncés" du professeur rappellent les "yeux gris et particulièrement vifs et perçants" et le "regard introspectif" du détective.
 
Comme lui, c’est "un génie, un philosophe, un penseur de l’abstrait doté d’un cerveau de premier ordre". Le criminel le plus redoutable et le plus intelligent qui tisse sa toile dans la capitale britannique, Londres étant aussi le terrain de prédilection de Holmes.
 
L'affrontement entre les deux ennemis jurés est donc inévitable.
LE FACE À FACE
 
Lorsqu'il apparaît face à face avec Holmes dans Le Dernier Problème, Moriarty se montre impitoyable, rusé et résolument malveillant. Il fait preuve de son intelligence, mais aussi de sa profonde cruauté. Il se montre également déterminé et très sûr de lui.
 
Moriarty n'intervient jamais physiquement pour commettre ses délits, préférant résoudre ses problèmes en utilisant son cerveau. Pourtant, il admet qu'il est prêt à y recourir bien qu'il considère l'affrontement physique avec Holmes comme une mesure extrême de sa part - ce qui signifie qu'il est disposé à sortir de sa zone de confort si besoin est.
 
Sans s'être jamais rencontrés auparavant, le détective connaît déjà son adversaire :
 
Moriarty : "Evidemment vous ne me connaissez pas ! "
Holmes : "Au contraire ! … je vous connais fort bien. "
 
Leur tête à tête est manichéen. Le Bien contre le Mal. Mais ici, la destruction de l’un augure la disparition de l’autre. Leur dialogue est des plus éloquents :
UN FANTASME HOLMÉSIEN ?
 
Pour la première fois de sa vie, Holmes craint pour sa vie on le voit frissonner dans l'épisode de la Granada. S'il exprime sa peur de mourir, Holmes pourrait aussi signifier sa peur d'être confronté à lui même. En effet, on peut s'interroger sur une dimension plus métaphysique de ce face à face au delà de la simple confrontation physique.
 
À plusieurs reprises, Holmes n'hésite pas à utiliser des méthodes illégales et avoue souvent qu'il aurait pu être un grand criminel. Ce dont personne ne doute.
 
Depuis toujours, il semble hanté par Moriarty, comme inversement, Holmes hante Moriarty. D'où vient cette obsession du détective ? N’a-il pas appréhendé une part de Moriarty en lui-même ? Holmes et son formidable adversaire ne seraient-ils que les deux faces d’un seul et même personnage ?
Selon cette hypothèse, Moriarty serait alors un fantasme du détectice, un "autre lui-même" reflétant sa "part maudite". Si Holmes souffre effectivement de cette ambiguïté interne, son acharnement serait donc dirigé contre son côté obscur qui lui échappe et l'effraie et qu'il veut détruire.
 
Dans ce cas, son but et sa raison de vivre seraient voué à l’anéantissement du mal qui le hante - sous couvert de traquer le mal qui ronge la société. Holmes matérialise ce mal en créant le double infernal de Moriarty et en le dissociant de lui-même, pour qu'il soit encore possible d’en triompher.
 
Il doit lui donner corps, comme il veut prouver sa réalité à Watson en montrant ses blessures : "Il ne s’agit pas d’un pur esprit, comme vous pouvez le constater, mais d’un être assez solide."
"Il ne s’agit pas de danger, monsieur Holmes, il s’agit d’une destruction inévitable. [...] C’est un duel entre vous et moi. [...] Et, si vous êtes assez fort pour me détruire, soyez assuré que je serai assez fort pour vous écraser dans ma chute ! "
 
Et Sherlock Holmes de répliquer : "Si j’étais sûr de vous détruire, j’accepterais volontiers, me sacrifiant pour la communauté, d’être détruit, moi aussi ! "
 
La mort semble inéluctable...
L'INCARNATION DU NÉMÉSIS
 
Dès l'origine de la série, Michael Cox avait une idée précise de l'acteur qui serait le Moriarty idéal.
 
Le producteur confia : "Si Eric Porter avait refusé, j'aurais eu des difficultés à faire un second choix. Quand il nous a rejoint, je lui ai demandé pourquoi il avait accepté d'avoir un rôle relativement peu important.
 
Il répondit : "Je collectionne les rôles de grands méchants britanniques. Je ne pouvais pas résister à ce monstre."  
 
Effectivement comment décliner d'incarner l'un des plus grands criminels de histoire littéraire ?
 
Eric Porter donne toute sa densité au "Napoléon du crime", cette créature venimeuse avec sa démarche ondulante, ses oscillations de tête reptiliennes, sa prestance, ses longs doigts éffilés aux gestes méticuleux et ses expressions diaboliques propres à inspirer  la répulsion et la crainte.
 
Eric Porter raconta : "Moriarty est vraiment un personnage d'une complexité incroyable - tout aussi obsédé et mû par son obsession que l'est Holmes. Même au cours de sa brève apparition dans Le Dernier Problème, il existe encore d'infinies possibilités d'interprétation pour un acteur. "
"Je me suis toujours dit que les précédentes représentations de Moriarty manquaient de réelle profondeur. Il était uniquement joué comme un criminel dégénéré sans l'esquisse d'une tentative pour montrer ses véritables motivations - ego et fierté - qui le conduisent à se confronter avec Holmes afin de prouver qui des deux est le meilleur."
 
L'acteur conclut : "Jouer avec Jeremy Brett était aussi un magnifique défi, car il était si profondément impliqué dans Holmes qu'il comprenait le moindre des nerfs et des fibres de l'homme. J'aime à penser que j'ai apporté une contribution intéressante à l'interprétation de Moriarty. " Il rajouta qu'à l'occasion du tournage de la chute des deux ennemis à Reichenbach : "Comme Jeremy, j'aie eu peine à supporter de voir les deux cascadeurs se jeter dans le gouffre."
 
Étrange et triste coïncidence les deux acteurs qui incarnent le héros et son némésis sont décédés la même année en 1995.
RETOUR
LE NÉMÉSIS ULTIME
 
Bien que Moriarty n'apparaisse que dans deux des soixante aventures du Canon, ses brèves  apparitions ont suffit à l’imposer comme le criminel ultime. Comment a-t-il atteint un tel statut ? Pourquoi est-il considéré comme l'une des plus belles figures du génie du mal de toute l’histoire de la littérature policière ?
 
Moriarty symbolise l'ennemi juré dont le but est de tuer Sherlock Holmes. Son patronyme n'est d'ailleurs pas choisi au hasard puisqu'il vient du latin "moriar" qui signifie "mourir". La scène aux chutes du Reichenbach a durablement marqué les esprits, au point que Moriarty s'est élevé au rang de pire ennemi de l'univers holmesien. L'attitude du détective à son égard a incité d'autant plus les lecteurs à le considérer comme le plus dangereux et sans égal.
Quoi de plus stimulant finalement qu'un ennemi prodigieux contre lequel se battre ?
 
La barre est tellement haute qu'il est légitime de se demander : que va-t-il advenir de Sherlock Holmes si Moriarty est déchu ? Il faudra attendre la publication du récit intitulé La Maison vide pour découvrir que Sherlock Holmes a survécu.
 
Par la suite, les occasions  seront nombreuses pour  le  détective de déplorer la disparition  du  "regretté" Professeur. Désormais sans adversaire à sa mesure, rien n’est plus pareil. Holmes s'ennuie et le monde du crime lui semble devenu bien terne...
C'est le seul adversaire que Holmes craint réellement et admire à la fois. Il est aussi brillant que lui et remet en question le côté imbattable du détective.
 
Ainsi, il est devenu l'antagoniste idéal du héros et plus généralement s'est imposé en grand méchant ultime. Moriarty est considéré comme le précurseur du stéréotype du Super-vilain, avec le docteur Fu Manchu, un autre célèbre génie du mal d'origine asiatique.
 
Dans le documentaire A Study in Sherlock, les écrivains Stephen Moffat et Mark Gatiss ont déclaré "qu'ils considéraient le personnage du Professeur Moriarty comme un super-vilain parce que lui aussi possédait une intelligence similaire à un génie et des pouvoirs d'observation et de déduction, le plaçant au-dessus des gens ordinaires au point où lui seul peut représenter une menace crédible pour le héros Sherlock Holmes. "
L'INFLUENCE CULTURELLE DE MORIARTY
 
Bien après sa mort, l'ombre de Moriarty continue à planer depuis plus d’un siècle...
 
La pression et les supplications des lecteurs avait forcé Conan Doyle à ramener Sherlock Holmes, à la vie, mais seul Pourtant, le personnage de Moriarty a pris sa revanche. Et d'ailleurs est-il bel et bien mort ?
 
Les deux romans apocryphes de John Gardner parviennent à restaurer le mieux la figure inquiétante du terrible professeur (The Return of Moriarty et The Revenge of Moriarty). Retour et vengeance ? Car, tout comme Holmes, Moriarty ne serait peut-être pas mort,  comme le laisse supposer l’écrivain Anthony Horowitz en 2014 (Moriarty).
 
Bien que Conan Doyle l'ait très peu développé, le personnage a pris une importance capitale dans les pastiches de l'œuvre canonique et sous la plume d’autres auteurs à travers les univers les plus variées : pièces de théâtre, séries télé, cinéma, jeux vidéo, romans pour la jeunesse, mangas et BD.
Dans la franchise Sherlock Holmes, Moriarty est à l'image de Holmes : tous deux sont extrêmement intelligents, astucieux et sophistiqués. Il s'engagent aussi dans leurs activités pour tromper l'ennui. Moriarty est souvent représenté comme une sorte de parrain de la mafia, intouchable et  insoupçonnable : il protège les criminels d'Angleterre en échange de leur obéissance et d'une part de leurs profits en élaborant ses activités criminelles à la perfection. Bien sûr, Holmes considère Moriarty comme un criminel, mais c'est également la façon dont Moriarty considère son ennemi. Tous deux sont aussi uniques en leur genre. Moriarty est ainsi décrit comme le seul criminel consultant au monde, à l'instar de Holmes est l'unique détective consultant.
Moriarty apparaît dans de nombreux pastiches holmésiens. Ainsi on le découvre dans la peau du capitaine Nemo (H.W. Starr, A Submersible Subterfuge), en séducteur présumé de la mère de Sherlock Holmes (Nicholas Meyer, La Solution à 7%), et collaborant à l’invasion martienne (George H. Smith, The Second War Of The Words).
 
Au cinéma, dans les opus de 2009 et 2011 de Guy Ritchie avec Robert Downey Jr et Jude Law, le comédien Jarred  Harris campe un antagoniste mathématicien très dangereux et délétère.
 
Les séries télévisées Sherlock et Elementary négligent l'aspect scientifique du personnage et en font un mégalomane calculateur et sociopathe dans la premiére (Jim Moriarty interprété par Andrew Scott) tandis qu'il prend les traits d'Irène Adler alias Jamie Moriarty dans Elementary (interprétée par Natalie Dormer). Bien souvent dans les séries, le duel entre le professeur et le détective passe avant la résolution des enquêtes criminelles.
À plusieurs reprises, Holmes avoue à Watson que s’il pouvait vaincre cet homme, ce serait l'apogée de sa carrière . Mais une  fois sa mission accomplie, le détective n’aurait plus d’utilité et cesserait d’exister en tant que tel.  "Vos intéressants Mémoires, Watson, prendront fin. Vous n’aurez plus rien à écrire sur moi, le jour où j’aurai couronné ma carrière par la capture ou l’extermination du criminel le plus dangereux et le plus intelligent de l’Europe entière."
 
Holmes évoque finalement sa disparition prochaine et inéluctable, pressentant que, quoi qu’il fasse, il est condamné à perdre. Il sait qu’en donnant la mort au plus grand des criminels, il se détruira. Sherlock Holmes considère Moriarty  comme "un adversaire qui était mon égal" car il est entièrement et tragiquement lui-même. Seule une tentative désespérée peut le délivrer et lui apporter la paix.  "Ma vie n’aura pas été complètement perdue. Si elle devait prendre fin ce soir, je pourrais encore considérer mon passé d’une âme égale. "
LE CHOC DES TITANS
 
À la suite de leur rencontre, Moriarty conçoit trois plans pour tenter déassassiner Holmes, tout en veillant à les faire passer pour des accidents fortuits. Mais le détective les déjoue à chaque fois. Le Professeur n'a d'autre choix que d'intervenir en personne.
 
Au terme d’une folle course poursuite à travers l’Europe, les deux titans sont condamnés à s’affronter au plus haut niveau le lundi 4 mai 1891 à Meiringen en Suisse.
 
Le duel final, tel un drame métaphysique se joue dans un décor grandiose et fantastique. L’endroit des chutes du Reichenbach en Suisse est terrifiant.
 
Le torrent se précipite dans une brèche immense bordée de rocs noirs, acérés et luisants. Une cavité insondable où l’eau tourbillonne et se fracasse. Un gouffre infernal, théâtre des forces démoniaques de la nature.
 
Holmes est l’incarnation et le défenseur du bien. Moriarty est le symbole et le génie du mal. Il était donc fatal qu'eut lieu la confrontation entre Sherlock Holmes et James Moriarty où se jouent la dualité entre le bien et le mal, et celle plus intime, du dilemne qui hante Holmes.
 
Sherlock Holmes éloigne Watson grâce à une mystification, afin de remplir le pacte passé avec lui-même. Il met en scène le théâtre de sa propre mort et laisse une lettre à son ami fidèle.
 
Le  combat mortel a lieu. L’ange du Bien et l’ange du Mal, les deux faces de Holmes, disparaissent ensemble englouties dans la fureur des eaux...
EXISTE-T-IL VRAIMENT ?
 
Le Canon donne un certain nombre d'indications contradictoires. Le prénom de l'ennemi de Holmes reste assez ambigu. En effet pour sa première apparition dans Le Dernier Problème, il est désigné comme le "Professeur Moriarty" sans qu'aucun prénom ne soit mentionné.
 
Watson fait cependant référence à un autre membre de la famille en évoquant la publication de lettres dans lesquelles le colonel James Moriarty défend la mémoire de son frère disparu.
 
Dans La Maison Vide, écrite quelques années plus tard, Holmes parle de Moriarty à Watson en l'appelant "James". Il est fort probable que les deux frères portent donc le même prénom ou bien qu'il s'agisse d'une confusion de Conan Doyle dans ses notes.
 
Moriarty était censé n'être qu'un protagoniste occasionnel pour clôturer les Aventures du détective. Watson fait lui aussi les frais d'un lapsus lorsque sa blessure militaire est située soit à la jambe, soit à l'épaule.
 
Les connaissances de Watson relatives à Moriarty sont assez confuses. Dans Le Dernier Problème, le docteur avoue n'avoir jamais entendu parler du criminel. Or, dans La Vallée de la peur, roman dont les événements sont censés être antérieurs à cette histoire, Watson évoque Moriarty comme un "célèbre criminel scientifique".
 
Certains auteurs vont même beaucoup plus loin en s’interrogeant  sur la réalité de Moriarty. Ne serait-il pas le fruit d'un fantasme de Holmes ? Mais nous developperons cette idée plus tard... Ce qui est sûr c'est que l'intérêt qu'on lui porte n'est pas fortuit et que la réalité de Moriarty n'existe qu'à travers celle de Holmes. Et vice versa...
QUAND APPARAÎT-IL ?
 
Dans l'œuvre de Conan Doyle, le professeur Moriarty n’intervient que dans deux nouvelles. Il apparaît pour la première fois dans Le Dernier Problème publié en décembre 1893 où il rencontre physiquement le détective et joue un rôle dans La Vallée de la peur (écrit en 1914, mais situé en 1888) où Holmes tente d’empêcher son organisation de commettre un meurtre. Les deux hommes ne se rencontrent pas, mais Moriarty envoie un mot à Holmes à la fin de l’histoire.
 
Moriarty est également mentionné dans cinq autres nouvelles : La Maison vide, L'Entrepreneur de Norwood, Le Trois-quart manquant, L'Illustre Client et Son dernier coup d'archet. Moriarty apparaît en personne dans une seule histoire car s’il avait constamment échappé à Holmes, cela aurait entaché la réputation du détective.
 
Dans Le Dernier Problème dont l'action se déroule en 1891, Sherlock Holmes tente de porter un coup fatal à l'organisation criminelle orchestrée par Moriarty. Ce dernier le poursuit sur le continent où les deux hommes périssent au terme de leur lutte à Reichenbach. Si Sherlock Holmes réussit finalement à s'en sortir miraculeusement vivant, il n'en est rien de Moriarty qui périt bel et bien.
 
Dans la série de Granada, Holmes l'évoque pour la première fois dans La Ligue des Rouquins et en dresse le profil. Le téléspectateur le découvre à l'écran dans de courtes scènes sous les traits d'Eric Porter. Mais le premier face à face entre les ennemis jurés a également lieu dans l’ultime aventure du détective, avant sa 'résurrection, dans La Maison Vide. Dans cette nouvelle, son exécuteur des basses œuvres, le colonel Sebastian Moran, cherche à venger la mort de son ancien patron.
 
Dans les histoires de Conan Doyle, Watson ne rencontre jamais Moriarty et se fie donc au détective pour décrire son ennemi ainsi que le combat qu’ils se livrèrent en 1891 dans le Dernier Problème.