The Last Visitor BBC, 11-17 Septembre 1982
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CONFRONTÉ AU SUCCÈS
 
The Last Visitor
Mardi 21.00, BB2
 

Mystérieusement, il refait surface de Hollywood pour interpréter le rôle de Vincent dans "The Last Visitor", une dramatique située en 1953 qui vous donne la chair de poule. Héros et victime, Vincent est bien plus qu'un bel homme. L'acteur britannique, Jeremy Brett, au physique avantageux bien connu au théâtre comme au cinéma, déclare à EILEEN TOTTEN en quoi ce personnage complexe l'attira dans une carrière consacrée à éviter la facilité.
 
Quand on rencontre Jeremy Brett, on reconnait immédiatement son visage. Je me demandais  alors comment il pouvait jouer Vincent dans "The Last Visitor", un homme banal presque quelconque ?
 
"Quand j'ai lu le livre, déclare Jeremy Brett, je n'arrivais pas à imaginer pourquoi on m'avait demandé de jouer le rôle. Puis j'ai réalisé quelle sorte de personnage à la Graham Greene il était, la complexité de l'homme, l'énigme... "  
 
Pour un acteur, Brett n'est vraiment pas "théâtral", me recevant tandis qu'il se fait faire un brushing dans la clinique située en bas de l'appartement où il réside quand il est à Londres avec ses amis, le trichologiste Philip Kingsley et sa femme.
 
(NDT: clinique capillaire du célèbre "médecin des cheveux" Philip Kingsley)
Il vit à Hollywood et retourne de temps en temps en Angleterre pour des rôles en or : Max de Winter dans "Rebecca" ; Robert Browning dans "The Barretts of  Wimpole Street", qui doit être tourné cet automne par la BBC ; et Vincent Tumulty dans "The Last Visitor", un scénario de Thomas Ellice, basé sur le roman "The Sleeping Beauty" d'Elizabeth Taylor.
 
"J'imaginais Vincent, dit Brett, comme un homme très mince aux cheveux grisonnants, un léger bégaiement dans la voix. Il a des manières parfaites, c'est un monument de respectabilité, puis on prend conscience de cette part d'ombre derrière les apparences. C'est à ce moment là qu'on commence à avoir la chair de poule."
 
"The Last Visitor" se déroule hors saison dans une station balnéaire, en 1953. Le tournage eut lieu dans le Minehead. Cinq femmes, solitaires et désolées, sont entraînées dans la vie d'un homme – un homme "désirable".
 
"Jusqu'à ce que je lise le livre, je n'avais pas réalisé à quel point nous sommes loin de 1953, de cette façon dont les femmes étaient alors tenues à l'écart, incapables de bouger sans l'escorte d'un homme, déclare Brett.
 
Ces femmes, qui réunissent simultanément une mère étouffante, un ami récemment endeuillé, un bel étranger, une sœur frustrée et un retardé mental de 14 ans, assouvissent finalement leur propre vengeance sur l'homme. La fin du roman d'Elizabeth Taylor a été changée ; c'est un dénouement d'une violence émotionnelle, dit Brett, qu'il trouve totalement juste mais "horrible".
 
Dans le passé, on a connu Jeremy Brett pour ses rôles caractéristiques : l'élégant mais torturé Max de Winter, le beau Dorian Gray, l'Egyptologue fou David Malcom dans la série télévisée "Seagull Island".
 
Brett a trouvé le rôle de Vincent le plus gratifiant à ce jour.
 
"C'était plus complexe que tout ce que j'avais dû jouer auparavant. C'est un homme qui se contrôle parfaitement, mais qui hurle intérieurement. Je ne pouvais pas exprimer des choses très dramatiques, il fallait que le rôle progresse presque imperceptiblement, mais je sentais que j'étais dans de bonnes mains."
 
"Alan Shallcross, le producteur, et Rodney Bennett, le réalisateur, ont pris le soin le plus méticuleux ; et le travail d'Elmer Cossey, l'éclairagiste, est au-dessus de tout éloge.
 
"L'ambiance générale, la précision, le ressenti de l'époque, tout est là. C'est quelque chose que la BBC réussit toujours. Les Américains la prennent pour modèle. Je devais seulement exécuter ma propre performance. C'était d'une grande sobriété. Ce qui ressortait c'était quelqu'un, moi, en tant qu'acteur, me ressemblant, mais que personnellement je ne connaissais pas."
 
Brett a été aux prises avec deux avantages dans sa vie. Il a été à Eton "qui n'était pas exactement ma tasse de thé ; en tant qu'acteur, cela vous donne une voix trop maniérée" ; et il a joué Dorian Gray aux alentours de ses 25 ans.
 
"Les gens supposent que si vous êtes choisi pour jouer Dorian Gray, vous devez être un beau garçon - et cette condition n'est pas vraiment populaire dans le théâtre britannique."
 
Les premiers succès de Brett au théâtre l'orientaient vers le chant pour devenir soprano, mais, après Eton, il suivit les cours de la Central School of Speech and Drama. Wendy Craig et Mary Ure étaient là à la même époque.
 
Il débuta au Library Theatre à Manchester, puis rejoignit l'Old Vic. Plusieurs saisons s'écoulèrent au National ("une période très heureuse"), puis vinrent les succès au West End notamment "Design for Living" avec Vanessa Redgrave et "A Voyage Round My Father" avec Alec Guinness.
 
Il y avait eu des premiers films comme "War and Peace", "The Wild and the Willing" et "My Fair Lady". Mais, aller à Hollywood a plutôt porté sa réputation à maturité, comme le vin. En 1977, il commença à devenir une star de cinéma ! Il hausse les épaules : "Bon, j'ai tourné les épisodes de "The Incredible Hulk" et "Hart to Hart" … une pause … "Je n'étais pas le Hulk".
 
Cependant il était Dracula, battant tous les records au théâtre à Los Angeles, San Francisco et Chicago. Il vient juste de finir de tourner "Macbeth" avec Piper Laurie pour la télévision américaine. Et sa production acclamée de "The Tempest" à Toronto, va à présent être filmée à Mexico. Il estime que la différence entre la télévision et le cinéma a pratiquement disparu.
 
Mon sentiment est que si vous avancez, voyagez à l'étranger, vous évitez d'être un "vieux croûton", dit-il, quelqu'un de prévisible, sans surprise. J'aime  à penser que je surgis n'importe où, comme  un diable à ressort. Je crois que j'ai obtenu le rôle de Max de Winter parce que je n'étais pas là ; cela me donnait une sorte de prestige.
 
"J'ai quitté l'Angleterre parce que j'y devenais trop à mon aise. J'avais une maison, je commençais à prendre du ventre, je fréquentais les clubs. Je ne suis pas vraiment comme ça".
 
"J'ai toujours eu la passion des voyages. A présent voyager me maintient plein d'entrain, évite le bedon. Je fais du jogging, je monte à cheval. Je suis très privilégié de compter parmi les 3 % des acteurs qui travaillent. Je ne crois pas à la stabilité qui vient avec l'âge".
 
Il est né près de Meriden, en plein cœur de l'Angleterre. Il est très anglais, "plus anglais que je croyais, jusqu'à ce que je vienne habiter aux Etats-Unis."
 
Le tir à l'arc est un sport dans lequel il s'est investi depuis l'enfance, "une tradition familiale". Il est un "Woodman of Arden", a tiré à l'arc pour l'Angleterre et "par hasard" a été intronisé Maître Forestier en une semaine quand il avait seulement 21 ans.
 
Le succès n'est pas quelque chose qu'il a préparé pour s'y installer ; c'est quelqu'un qui doit bouger. Il est charmant, gentil , prêt à louer les autres - mais, comme Vincent, il y a en lui bien plus que cela.
 
"J'obéis aux règles de n'importe quelle institution, dit-il, du moment que je n'ai pas à en dépendre tout le temps".