LA LÉGENDE DE LA CALEBASSE
Comment la calebasse est-elle devenue "LA" pipe de Sherlock Holmes ?
Selon la légende, l'acteur américain William Gillette qui fut le premier interprète au théâtre du célèbre détective, aurait imposé la fameuse pipe. À la première de la production londonienne de sa pièce le 9 septembre 1901, Conan Doyle autorisa Gillette à fumer une pipe calebasse en écume de mer.
En effet à la scène comme à l'écran, l'acteur refusait de fumer la longue pipe droite classique. Plusieurs raisons sont invoquées : il trouvait qu'elle n'allait pas avec sa silhouette, qu'elle le gênait pour parler et probablement, il la considérait comme trop "populaire" car sa forme droite s'apparentait aux modestes pipes de terre communément répandues.
D'autre part, Gillette voulait que Holmes ait des attributs très repérables sur scène en l'occurrence le chapeau et la pipe. La calebasse était parfaite par sa couleur, son volume et son imposant panache de fumée qui la rendaient très visible.
Pourtant rien ne confirme que William Gillette ait bel et bien fumé cette pipe, ni dessin, ni photo de ses interprétations, ni illustration, ni article de l'époque, ni même la seule adaptation cinématographique de sa pièce où l'acteur fume une pipe en bruyère recourbée.
Ce n'est peut-être qu'une légende...
La plus ancienne apparition de la pipe calebasse associée à l'image de Sherlock Holmes, a été trouvée par Robert S. Ennis et date de l’année 1936. Dans le film The Nitwits, Robert Woolsey, de la troupe de vaudeville Wheeler and Woolsey, apparaît avec une deerstalker et une calebasse à la bouche sur une photographie publiée dans le Los Angeles Times le 7 avril 1936.
La première iconographie de Sherlock Holmes avec une calebasse est donc parodique à l'origine !
L'enquête reste ouverte...
LE CLICHÉ S'IMPOSE
Toujours est-il que le succès de cette forme de pipe courbée fut immédiat.
La longueur de la pipe à tige droite met les dents à rude épreuve, rendant un discours clair sur scène presque impossible et exige que les mains se déplacent vers le visage pour la tenir. Ces points préjudiciables sur le public inquiétaient acteurs, réalisateurs ou cinéastes.
Pour des raisons techniques et de confort, la plupart des acteurs à la scène ou à l'écran optèrent donc pour une pipe incurvée qui permet de parler en fumant puisque la largeur du tuyau diminue l'effet de levier sur les dents, créant une sensation de légèreté et d'équilibre. Elle permet aussi l'utilisation d'autres objets, une loupe par exemple, ou la lecture d'une lettre.
Dès lors, de nombreuses adaptations au cinéma présentent Holmes avec une calebasse. Les interprètres John Neville, Michael Caine, Christopher Plummer, Roger Moore, John Wood, Leonard Nimoy, Robert Stephens... ont arboré l'encombrante et emblématique calebasse. De même dans la plupart des comédies ou parodies, celles avec Laurel et Hardy par exemple.
Les adaptations holmésiennes les plus fidèles ont généralement utilisé une pipe traditionnelle en bruyère droite ou recourbée. Au cinéma et au théâtre, des acteurs tels que Ellie Norwood, John Barrymore et Basil Rathbone fument toujours une pipe canonique.
La production de Granada était donc confrontée à un dilemme : respecter les écrits de Conan Doyle, sans pour autant briser la tradition. On trouva un compromis en montrant Holmes fumer systématiquement une pipe canonique, sauf une seule fois en Suisse, une pipe calebasse, dans le Dernier Problème.