Qui s’intéresse au bon docteur Watson ? Qui l’aime ? Mais…tout le monde ! Et même si, dans les titres de Sir Arthur Conan Doyle, ne figure que le nom de Sherlock Holmes, les « Aventures » que nous lisons, à nos yeux, ce sont celles de Holmes ET Watson.
Lorsque Michaël Cox a entrepris de lancer la série Granada, son point de vue n’était guère différent. Pour lui, comme il l’écrit dans A Study in Celluloïd, Holmes et Watson forment une équipe indissociable, et trouver le « bon Watson » est aussi important que de trouver le « bon Holmes ». Selon Jeremy Bett, également, le personnage de Watson est fondamental : « La relation entre Holmes et Watson est, je pense, le centre du problème. Je pense que Watson est un homme très fort, il a un rythme de vie, des habitudes régulières ; il a un métier- un métier normal-, il a été à l’armée, il a vécu parmi les hommes, et il a beaucoup d’amis, et ses clubs, et son cabinet, plus son épouse ; alors que Holmes est un être totalement isolé : il n’a qu’un ami, et c’est Watson. Vraiment, c’est très gentil de la part de Watson de rester avec lui. » (Cité par R. Dixon Smith dans An Adventure in Canonical Fidelity).
Pas question, donc, pour Cox et son équipe, de faire de Watson un personnage insignifiant suivant Holmes comme un caniche, et encore moins un bouffon. En effet, le producteur de la série Granada juge invraisemblable que Holmes ait pu partager son logement et son travail avec une tête d’oiseau. Il est donc impensable que son Watson ressemble à Nigel Bruce, dont il reconnaît d’ailleurs le talent comique et explique l’interprétation burlesque par la volonté de donner une réelle existence au personnage, parfois réduit jusque- là à une présence quasi-muette. Le Watson de Granada serait donc un homme raisonnable, fringant, pourvu d’une intelligence normale et d’un grand sens de l’humour.
Mais il resterait célibataire. En effet, Cox fait remarquer que Conan Doyle a marié Watson à Mary Morstan à la fin du Signe des Quatre, mais que dans les cinquante-huit histoires qui suivent, il est tantôt marié, tantôt non. Probablement veuf au moment du retour de Sherlock Holmes, il semble marié de nouveau dans certaines des dernières histoires. Le producteur dit comprendre que le mystère des mariages de Watson puisse fasciner indéfiniment les Holmésiens érudits, mais estime qu’il constitue un problème insurmontable pour une adaptation filmée : impossible de montrer, dans certains épisodes, Watson bien installé dans le célèbre ménage de célibataires du 221B, et dans d’autres, goûtant soudain les félicités de la vie conjugale.
L’équipe décida donc fermement, bien qu’à regret, que Watson, serait sensible au charme féminin, mais ne quitterait pas Baker Street. Bending the Willow de David Stuart Davies, nous informe de manière plus précise encore sur le point de vue de l’équipe Granada. L’ouvrage rapporte ces propos de Cox : Ce qui fait la force de l’ensemble des histoires, c’est le fait que la relation de Holmes et de Watson soit une des plus grandes amitiés de la littérature. Et ça ne fonctionne pas parfaitement s’il y a une épouse dans le coin. A mon avis, Doyle a plutôt regretté d’avoir fait partir Watson en le mariant.