Les Aventures de Sherlock Holmes
 
La première saison a établi le succès immédiat de la série. Dès sa diffusion en 1984, public et presse étaient unanimes à exprimer leurs louanges. Le Sunday Times écrivit : "Jeremy Brett et David Burke sont les meilleurs interprêtres d'Holmes et de Watson de tous les temps." La série a su renouveler les productions précédentes consacrées aux héros de Conan Doyle. Ce ton original spécifique des productions Granada, reste présent au fil des saisons.
 
Originalité mais fidélité. Les scénarios très proches des histoires originales - sauf rares compromis nécessaires - ravissent les holmésiens qui retrouvent des pages entières de dialogues mot pour mot. Le respect de l'œuvre a toujours été la préoccupation permanente de Jeremy. Ses postures et ses attitudes semblent reproduire directement les illustrations de Sidney Paget (Traité Naval, La Ligue des Rouquins).
 
Un soin extrême est apporté à la reconstitution des décors et des costumes, à la fois raffinés et fidèles aux goûts et aux critères sociaux de l'époque. Ce souci de perfection s'observe dans les moindres détails : même les titres des journaux concordent aux évènements de l'époque.
 
Cette production a aussi évité certains stéréotypes holmésiens. Le célébrissime "Élémentaire mon cher Watson!" n'est jamais prononcé dans la version originale. Cette phrase pourtant immédiatement associée à Holmes, n'existe pas dans le Canon. La série ne montre jamais non plus, le cliché de la panoplie du détective : houppelande à carreaux, casquette de chasse et pipe calebasse en toutes circonstances.
SUITE
Holmes reste très actif intellectuellement. Son pouvoir de déduction fonctionne à merveille. Le détective parvient à découvrir le danger qui menace Lady Carfax sans bouger de chez lui, à dresser un portrait magistral du meurtrier dans Le mystère de la Vallée ou reconstituer la machination morbide du Pont de Thor. Réflexion, psychologie, dialogues riches et monologues explicatifs, donnent un ton plus intellectuel à ces épisodes. Le duo se complète parfaitement. La toute puissance cérébrale de Holmes s'allie à un Watson actif plus décisionnaire qu'à l'accoutumée qui prend des initiatives et sort même de ses gongs (La disparition de Lady Frances Carfax). Ce qui est un comble pour le flegmatique docteur !
 
Les rôles secondaires sont plus élaborés et développés avec soin dans leur contexte familial et social. Le côté historique est mis en valeur et dresse un tableau très intéressant de la société victorienne et de son évolution aux portes du 20ème siècle. Jeremy se passionnait également pour les sujets de société et de classes sociales.
 
Dès 1989, les problèmes budgétaires se firent sentir. Granada TV dut procèder à des restructurations, comme l'ensemble de la télévision britannique, les dirigeants et les équipes changèrent. Il devint difficile de préserver les critères de qualité des débuts de la série. Les relations et la solidarité entre les équipes - technique, production, réalisation... - qui formaient une vraie famille - ne furent plus tout à fait les mêmes.
 
A la fin de la saison, Michael Cox devait préparer et financer sa production sans savoir si Jeremy serait capable d'assumer son rôle…
 


Les Films et les Mémoires de Sherlock Holmes
 
A nouveau cette dernière saison débuta sous de sombres auspices. Les budgets étaient encore revus à la baisse, car entre temps, Granada avait tourné cinq longs métrages très onéreux entre 1987 et 1993.
 
A l'époque du Signe des Quatre Jeremy subissait les premières atteintes de sa dépression. A sa diffusion en Décembre 1987, la presse accueillit très favorablement le film, qui reçut l'approbation de la Sherlock Holmes Society of London, et le public ignorant de sa maladie, retrouvait le détective comme si de rien n'était.
          La Série au fil des Saisons
Dans cette saison, Sherlock Holmes n'est pas seulement un "armchair detective" assis à résoudre ses enquêtes par observation et déduction. Il est aussi très actif. L'action est toujours enlevée. Les héros sont vifs et dynamiques. Ils courent, montent à cheval, font de la  bicyclette, grimpent, escaladent, se battent (Le Traité naval, Le Cycliste solitaire, Les Hêtres Rouges)... Ce qui renouvelle complètement le genre. Il règne une ambiance bohème et une camaraderie potache bien sympathiques entre Holmes et Watson.
 
Une touche d'humour et de second degré reste présente dans les histoires même les plus sombres (La Ligue des rouquins, Les Hêtres Rouges) et fait la force de la série. Les dialogues entre Holmes et Watson sont vifs et percutants, parfois teintés d'humour noir. Ils échangent traits d'esprit et critiques. Holmes avec ses réparties incisives ou caustiques fait réagir Watson au quart de tour. Mais on ressent leur profonde amitié et leur amicale stimulation. Leurs taquineries font rire et apportent un souffle d'air frais dans l'atmosphère tendue de l'intrigue.
 
Les épisodes nous plongent en effet dans un vrai suspens. Les enquêtes du détective se heurtent à des faits inexplicables et inquiétants (Les Hommes dansants, Le Ruban moucheté). Violence et mystère créent une ambiance sombre et angoissante. Les mises en scène et les scénarios sont remarquables. L'éclairage particulier donne une image aux tonalités chaudes et contrastées, aux jeux d'ombres et de lumières. Grâce à l'utilisation de bougies, de lampes à pétrole et de feux de cheminée, les éclairagistes recréent une ambiance intimiste et feutrée, qui met les visages en valeur (Un Scandale en Bohême). Tout au long de la première saison, on peut remarquer l'angle original des prises de vues, en particulier les jeux de miroirs ou de réflexion, les personnages vus au travers de fenêtres, les gros plans sur les visages ou les regards. L'action et le suspens ainsi générés demeurent dignes des séries contemporaines.
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Les Mémoires de Sherlock Holmes ont moins recherché l'authenticité de l'œuvre de Conan Doyle, mais en respectent cependant l'esprit. Dans cette saison, seul Le Cercle Rouge a été filmé dans des conditions presque normales avec le scénario adéquat, les deux acteurs principaux et Jeremy en relative forme. C'était l'un de ses épisodes préférés, car il révèle le côté sentimental de Holmes. La scène finale, qui était une idée de Jeremy, dévoile le détective submergé par l'émotion et ne pouvant contenir ses larmes dans la loge à l'opéra.
 
La description de Holmes est celle des derniers récits doyliens, un homme empreint de spiritualité, préoccupé de philosophie et de religion, capable de calmer d'un geste ou d'un regard les angoisses d'un client (Le Cercle Rouge). Jeremy souhaitait privilégier l'intériorité de Holmes, cependant il avoua plus tard avoir été insatisfait de certaines scènes ou regretté l'étrangeté de certains épisodes.
 
L'ultime épisode, La Boîte en Carton, signa l'arrêt définitif de la série. Il renoue avec la qualité des meilleurs épisodes. Jeremy à nouveau svelte et émacié apparait tel le Holmes des débuts et le sénario contient des moments très forts, en particulier le monologue final, cher à Jeremy, où Holmes s'interroge sur le sens de la vie.
 
La  dernière saison a reçu un accueil très mitigé. Il serait vain de s'interroger sur le bien fondé d'avoir produit ou non, cette saison. Pour Jeremy lui-même sûrement pas, car il est allé au bout de sa résistance, et pour la série, elle s'avère de qualité inégale. Libre à chacun d'en juger...
 
En 1994, Jeremy dut se résoudre à arrêter définitivement de jouer Sherlock Holmes. Il annonça publiquement sa décision à l'occasion de la soirée du dixième anniversaire de la série. Malheureusement. L'acteur était en effet parvenu à une réconciliation tardive avec son personnage et à une paix avec lui-même. Ce fut le terme d'une grande aventure. L'ambitieux projet de Michael Cox de tourner l'intégralité du Canon, n'avait finalement pas pu se mener à bien... Si Granada avait filmé les soixante histoires de Conan Doyle, cela aurait constitué l'unique œuvre de cette ampleur jamais produite. L'esprit des séries ayant considérablement évolué depuis, cette adaptation restera peut-être la dernière. La série Granada demeure parmi les plus brillantes et novatrices. Elle est depuis devenue culte.
La nouvelle série fut  également  l'occasion d'un changement majeur dans la distribution puisqu'un nouveau Watson entre en scène ! En effet, David Burke, sollicité pour jouer à Stratford, ne sut, comme tout bon acteur shakespearien, refuser une telle occasion et recommanda un comédien de ses amis dont il pensait qu'il serait parfait pour le rôle : Edward Hardwicke, le fils de Sir Cedric Hardwicke.
 
Le changement d'acteur est intervenu au meilleur moment dans l'évolution de la série. Marqué par la perte de son ami et l'expérience vécue, Watson a mûri. Edward Hardwicke donne calme et maturité au docteur, Plus intériorisé, il est empreint d'une sagesse et d'une bonté profondes. Plus présent pour Holmes, il prend davantage soin de son ami dont il a cerné la psyché fragile.
 
Les histoires abordent des thèmes plus difficiles et prennent une tonalité plus psychologique en plus de l'enquête proprement dite. Les relations entre les personnages récurrents s'approfondissent et tissent de véritables liens. Les deux personnages principaux sont plus complices et soudés qu'auparavant. L'étude de la psychologie, de la complexité des protagonistes est plus fouillée, les rendant plus vrais. On pénètre directement dans l'intimité de Holmes et de ses gestes quotidiens.
 
La série s'humanise et developpe de nouvelles facettes des caractères. Parfois Holmes n'hésite pas à utiliser des méthodes illégales pour une cause juste à ses yeux. Il fait sa propre justice et fait preuve de compréhension et de compassion, quand les coupables ne sont pas mauvais dans l'âme. Il est attentif aux autres, se préoccupe de leur sort et pardonne la vengeance personnelle (Capitaine Crocker, Neville St Clair, Dr Sterndale). Si le contexte d'angoisse et de mystère est plus dense, si Holmes est moins facétieux, il garde encore son sens de l'humour et sa théâtralité. Vif dans ses gestes et ses éclats de voix, il aime toujours autant surprendre Watson ou se déguiser.
 
Les scénarios prennent un peu de retrait par rapport à l'œuvre originale et tendent à faire passer certains messages. Une idée de Jeremy apporta un changement majeur dans L'Aventure du Pied du Diable, lorsque Holmes s'affranchit de la cocaïne. L'acteur demanda l'approbation de Dame Jean, la fille d'Arthur Conan Doyle, pour tourner la scène où le détective enfouit sa seringue dans le sable et se libére de sa dépendance. Jeremy voulait montrer à la jeune génération qu'Holmes n'avait pas besoin de drogue pour être un bon détective.
 
Des changements se produisirent également au niveau de la production. Pendant l'été 1985, Michael Cox passa la main à June Wyndham-Davies qui prit en charge une volée de onze nouveaux épisodes avec l'aval de Granada. June Wyndham-Davies avait déjà à son actif la production d'une autre série "victorienne" de la Granada, "Cribb", tirée de l'œuvre de Peter Lovesey. Cependant, Mochael Cox, resté producteur exécutif, reconnut dans "A study in celluloïd" que ce n'était pas l'idéal. Il déplora que la productrice, restée à Londres, perde ainsi le suivi direct des tournages à Manchester. Après la reprise des tournages à l'automne 1985, des réalisations trop coûteuses commencèrent à créer des problèmes de budget...
 
L' accueil fut bien différent pour l'histoire emblématique de Sherlock Holmes, le Chien des Baskerville. Un rendez-vous décevant pour tous ceux qui l'attendaient impatiemment. A ce sujet, Jeremy déclara en 1995 : "J'aimerais le refaire dans une autre vie." Les trois autres films déroutèrent les téléspectateurs et furent   très controversés par les critiques et les holmésiens. Le baiser entre Holmes et Agatha dans Le Maître chanteur d'Appledore (appelé par les tabloïds "Le premier baiser de Holmes à l'écran!") et sa confession émue, embarrassèrent les téléspectateurs. Michael Cox parla "d'impair" dans son ouvrage A Study In Celluloid. Le Vampire de Lamberley et Le Mystère de Glavon Manor en particulier, ont été trés vivement contestés pour leur côté surnaturel.
 
Fin 1993, June Wyndham Davies devait encore produire deux longs métrages. Le film en projet en collaboration avec l'ecrivain David Stuart Davies (The Book of the Dead) ne se concrétisant finalement pas, il fallut revenir au format classique de 50 min. Il restait à peine six mois pour boucler six épisodes ! Deux réalisateurs et trois scénaristes se partagèrent la tâche. La saison en perd son homogénéité.
Les scénarios s'égarent parfois loin du sujet dans des développements pas toujours opportuns. Toutes les histoires un peu ternes de cette saison devaient être étoffées et enjolivées. Mais point trop n'en faut ! Une surenchère de mise en scène, d'effets de style, une débauche de décors, finissent par affecter L'Affaire des Trois Pignons ou La Pierre de Mazarin et nuisent à l'intrigue. Heureusement, les autres épisodes plus classiques se recentrent sur l'enquête.
 
Le public voulait plus d'action et moins de dialogues. Dilemme impossible avec l'état de santé de la star principale. Jeremy gravement malade, cela compromet tout, tant la série repose sur lui. Le fringant héros vif et gracieux des débuts a laissé place à un détective plus passif. Ses déplacements sont limités, ses dialogues réduits. Il n'est plus question d'action, mais davantage de discussions ou de réflexions. Public et critiques refusèrent cette image altérée de Holmes et la condamnèrent cruellement. Les tabloîds en firent largement écho.
 
Magré ces circonstances difficiles et ces bouleversements, l'équipe de tournage est parvenue à ne pas trop mal s'en tirer. La caméra évolue dans des scènes plus intimistes, des jeux d'ombre et de lumières tamisées. Holmes semble un peu en retrait. C'est un observateur à la conscience aigue. Il laisse plus de place aux autres protagonistes pour dynamiser les histoires. Watson s'investit dans l'enquête sur le terrain et devient un collaborateur efficace et énergique. Il visite les clients, prend des initiatives - pas toujours heureuses (Le Cercle Rouge) - montre courage et détermination. Charles Gray a dû reprendre son rôle de Mycroft Holmes, en remplaçant au pied levé soit Jeremy hospitalisé, pour La Pierre de Mazarin, soit Edward Hardwicke engagé sur un autre tournage, dans Le Pince Nez en or. Mrs Hudson elle même est mise à contribution. De plus en plus présente et influente, elle intervient dans tous les épisodes.
Le Retour de Sherlock Holmes
 
Le retour ou plutôt la résurrection de Sherlock Holmes. En effet, à la stupeur de ses lecteurs, Conan Doyle a fait mourir son héros en luttant contre son ennemi juré Moriarty aux chutes de Reichenbach en Suisse. Tout le monde est atterré et supplie l'auteur de lui redonner vie ! Devant ce tollé général, Doyle fait revenir son détective à Londres dans "La Maison Vide". Cette absence de trois ans, entre 1891 et 1894, où Holmes se fait passer pour mort, est appelée le Grand Hiatus. Watson s'évanouit d'émotion et les lecteurs sont comblés.
 
Il en est de même pour les téléspectateurs ce 7 juillet 1986, qui étaient 10 millions à regarder l'épisode. Un énorme succès pour Granada ! La série démarra donc avec brio. Elle continua à recueillir les éloges du public, des critiques, la confiance des producteurs et des équipes techniques.
 
Cette deuxième saison amorce pourtant un changement. Le ton est différent car des évènements majeurs se sont produits, dans la réalité et la fiction. L'univers du détective s'est assombri.
 
Jeremy, qui a perdu sa femme en Juillet 1985, interprète un Holmes plus intériorisé, grave et tourmenté. Ces caractéristiques correspondent à l'évolution logique après le Grand Hiatus. L'acteur a réalisé un gros travail sur ce qu'il a appelé les "marble cracks" les fêlures dans le marbre froid du masque holmésien. Sous les craquelures, se laissent entrevoir les sentiments et les émotions. Holmes se distance de la "machine à penser" et dévoile sa personnalité complexe et ses faiblesses. Il est plus naturel et humain (La Maison Vide, Le Rituel des Musgrave). Sa fragilité psychique se manifeste le plus dans L'Aventure du Pied du Diable, où le détective, sa santé ébranlée, doit prendre du repos pour s'épargner une grave dépression nerveuse...
 
Paradoxalement la réalité a rejoint la fiction.  Alors que le succès de la série battait son plein, que les vidéos des Aventures sortaient en Angleterre et en Amérique, l'acteur vedette faisait une grave dépression à la fin des Six Napoléons en Août 1986.
Les Archives de Sherlock Holmes
 
Le choix des histoires dans cette saison produite à nouveau par Michael Cox, s'avèra plus délicat. A partir de 1991,  les meilleures ont déjà été traitées. Les œuvres originales de Conan Doyle ne sont plus si scrupuleusement respectées. Il faut, à la fois, trouver les nouvelles les plus adaptables, nécessitant un moindre coût, faciles à tourner en extérieur et présentant un intérêt dans l'art de la déduction. Certains épisodes restent proches du Canon (L'Enigme du pont de Thor) d'autres sont très remaniés (La disparition de Lady Francès Carfax) et étoffés, car les nouvelles sont trop courtes (Le mystère de l'Anthropoïde où l'enquête parallèle sur la disparition des singes a été inventée). Un climat étrange et mystérieux  imprègne en particulier ces deux épisodes.
 

Les problèmes de santé de Jeremy vont malheureusement de plus en plus conditionner la réalisation des Archives. Mais malgré cela, elle reste d'excellente facture. Après une longue pause, Sherlock Holmes revient devant les caméras à partir de Février 1991, dans l'épisode La disparition de Lady Frances Carfax. Son interprète apparaît visiblement marqué. Il joue Holmes avec plus de gravité et d'intériorité. Dans ce premier épisode en particulier, Holmes apparait posé, plus cérébral. Plongé dans une réflexion intense il n'articule pas un mot avant de longues minutes. Son visage laisse paraître une sensibilité à fleur de peau. Ses sentiments positifs ou négatifs et ses réactions s'expriment naturellement. Holmes se montre concerné, voire compatissant, à l'écoute des autres, victimes ou criminels (L'Énigme du Pont de Thor, Le Mystère de la Vallée L'illustre client). Heureusement le détective affiche encore agilité et entrain. Il tire à l'arc, grimpe sur le parapet du Pont de Thor, s'affaire au bord de l'étang de Boscombe…Il reste toujours vif dans ses gestes et ses éclats de voix et n'a rien perdu de son humour.
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