Sa seconde épouse Joan Sullivan Wilson
Biographie
 
Joan Wilson est née le 3 Novembre 1928 dans le Wisconsin, et partageait la même date d'anniversaire avec Jeremy, bien qu'elle ait toujours refusé de divulguer son âge. Sa mère, Esther Stanton Wilson, lui donna également un frère, John S. Wilson. Joan est diplômée du Grinnell College en 1950 et a étudié le théâtre à l'Université du Wisconsin avant de commencer une brève carrière d'actrice.  En 1967, elle rejoignit WGBH, la station de télévision publique de Boston, Suffolk County dans l'état du Massachusetts, pour produire "Radio Drama Development Project" pour lequel elle avait également réalisé et joué. Il fut dit qu'elle avait "le meilleur emploi à la télévision".
 
Joan n'était pas présente à la création de Masterpiece Theater  le 10 janvier 1971 sur le réseau PBS (Public Broadcasting Service) qui fut l'idée de Stanford Calderwood, président de WGBH, et Christopher Sarson, producteur exécutif de la chaîne PBS. En constatant le succès accordé à la mini-série "The Forsyte Saga" en Angleterre, ils avaient pensé que ça pourrait fonctionner aux États-Unis et convainquirent Mobil de financer les coûts de production. Le départ de Sarson en 1973 offrit à Joan la  chance de devenir productrice exècutive de l'émission.
 
Se décrivant elle-même comme ''the single biggest customer'' de la télévision anglaise, Joan adorait les fictions britanniques et se donna pour mission de les révéler aux spectateurs américains. Son premier achat fut ''Upstairs, Downstairs'' (1971-75), l'histoire de la famille Bellamy et de ses serviteurs dans l'Angleterre édouardienne. Décrite comme  "la série télévisée la plus populaire" "Upstairs, Downstairs" a été multi récompensée avec 14 prix (dont 4 Emmy Awards, 2 BAFTA et 1 Golden Globe) et 20 nominations.
"Upstairs, Downstairs" fut l'une des premières séries britanniques à avoir un impact majeur sur la sensibilité des téléspectateurs américains. On peut dire la même chose de Joan qui a eu un rôle majeur dans l'évolution et le succès de Masterpiece Theatre ouvrant une nouvelle ère de la télévision publique américaine.
 
Depuis plus de 20 ans, Masterpiece Theater, devenue depuis Masterpiece, est la case horaire du dimanche soir réservée à la diffusion des productions britanniques de prestige, principalement issues de la BBC mais également de ITV ou Channel 4. C'est l’un des programmes les plus primés des États-Unis : 33 nominations aux Primetime Emmy Awards, 7 aux International Emmy Awards, 15 aux Peabody Awards et 2 aux Oscars du cinéma.
 
Dans les années 70, la majorité des programmes de la télévision commerciale américaine était composée de flics, d'avocats et d'aventuriers, ainsi les séries qui visaient la qualité et l'exception étaient des oasis pour les téléspectateurs.
 
Joan était une anglophile passionnée, toujours stimulée pour relever le défi de proposer des programmes britanniques. Elle défendait avec acharnementt ces importations considérées comme "illégitimes" car non-américaines et menacées de disparition avec les nouveaux réseaux câblés culturels (ABC, CBS, Bravo, Bluebird).
 
Joan se rendit régulièrement à New York ainsi qu'en Europe plusieurs fois par an (Londres, Cannes, Italie de temps en temps) afin de décider de la programmation qui déterminerait ce que des millions d'Américains allaient voir chaque année - un potentiel de plus de 600 heures qu'offrait la BBC ou Thames Productions. Elle regardait 60 à 70 heures de fictions anglaises par semaine, à la recherche des bons programmes. Ses choix étaient évidemment subjectifs, mais elle était réputée pour ses goûts sûrs. Grâce à elle, Masterpiece Theatre connut un nouveau niveau de popularité et influença culturellement et durablement la télévision américaine.
 
"Je crois vraiment à la télévision publique. J'adore ce que je fais. Il existe un sentiment de famille ici à WGBH. Je prends rarement des vacances parce que Masterpiece Theater ne connaît pas d'interruption. Je suppose que je suis un bourreau de travail par choix conscient. Nous sommes tous solitaires. Mais le travail est le plus constructif pour échapper à notre solitude universelle. "
Joan transforma l'émision hebdomadaire en un rendez-vous addictif pour beaucoup de téléspectateurs qui purent découvrir les séries : "Piccadilly Circus" (1976-77), "I, Claudius" (1978), ''Crime and Punishment'' (1979) ou ''The Jewel in the Crown''. Elle offrit aussi l'opportunité de faire connaître des talents de haut vol : Glenda Jackson, Helen Mirren, Kate Nelligan, Derek Jacobi et Anthony Hopkins, entre autres.
 
Cependant, Joan pouvait retenir une série puis décider ensuite qu'elle ne l'aimait pas. Par exemple, elle a dit de "Poldark" : "J'ai dû me lever en la regardant pour ne pas m'endormir..." alors que la série a plus tard battu les records d'écoute et remporté 13 Emmy Awards et deux Peabody Awards...
 
Au cours des années suivantes, Masterpiece Theater se déclina en plusieurs thématiques. Joan introduisit notamment les programmes phares devenus des chefs-d'œuvre  institutionnels : "Mystery !", ''Classic Theater'' pour promouvoir les pièces britanniques et ''Picadilly Circus" qui était un florilège des meilleures émissions anglaises.
 
Le succès de Masterpiece Theater a conduit la télévision américaine à diffuser ce genre de séries, souvent avec succès, dans les années 1970 et 1980, ce qui a même profité indirectement aux ventes de littérature britannique en librairie !
 
Non seulement Joan était la productrice mais aussi la créatrice de "Mystery !" mettant à l'honneur des histoires mystérieuses et criminelles. Débuté en 1980 sur PBS, la série d'anthologie a été récompensée de 3 Edgar Allan Poe Awards et 7 nominations. Jusqu'en 2006, "Mystery !" diffusait principalement des séries policières achetées ou coproduites au Royaume-Uni avec la BBC ou ITV, et adaptées de la fiction littéraire policière britannique.
 
Ce programme d'anthologie proposa entre autres "Rumpole of the Bailey", "Reilly : Ace of Spies" et bien sûr, la série "Sherlock Holmes" de Granada, un must see de "Mystery !" qui révéla Jeremy Brett au grand public.
Consciente de l'importance du présentateur dans ses émissions, Joan a cultivé des amitiés avec le journaliste anglais Alistair Cooke qui animait "Masterpiece Theatre" et l'acteur Vincent Price, surtout connu pour ses rôles dans des films d'horreur, en particulier les adaptations de Roger Corman d'Edgar Allan Poe, fut le deuxième hôte de l'émission de PBS "Mystery!".
 
Piquée par les critiques persistantes que "Masterpiece Theatre était trop britannique", Joan rétorquait que le présentateur Alistair Cooke était citoyen américain. Tous les deux se rencontraient régulièrement à New York ou à Boston pour les tournages dans les studios de WGBH. Elle le décrivait comme "un gentleman aristocratique anglais par excellence... il est très américanisé, et ses manières merveilleuses sont britanniques, mais il est américain dans son esprit. Alistair est unique en son genre - un artiste de premier ordre ainsi qu'un homme  chevronné, expérimenté et sage. Il est l'un des trois Américains jamais fait chevalier par la Reine".
 
En sirotant son thé au lait, Joan adorait discuter longuement avec lui des chef-d'oeuvres du théâtre britannique qui étaient réellement "sa tasse de thé", se révélant tour à tour candide et timide, engageante et insaisissable, mais se montrant toujours une femme sensible avec une touche de "paillettes".
Joan s'investissait pleinement dans ses émissions faisant des suggestions pour les castings ou intervenir dans le montage. Lorsque les séries arrivaient aux États-Unis, elle pouvait couper dans le matériel déjà produit pour les adapter au public américain.
 
À la recherche d'un certain élitisme privilégiant la qualité et attentive aux différences culturelles entre Angleterre et Amérique, Joan était consciente que toutes les productions britanniques ne s'exportaient pas, en particulier à cause de l'accent et d'un point de vue différent à l'égard de certains "tabous".
 
"Maintenant, je vais recevoir des flots de courrier me disant : 'Comment osez-vous falsifier la BBC ?' '' a-t-elle déclaré dans une interview en 1980. ''J'en reçois tout le temps et c'est très fatiguant. J'ai coupé cinq minutes de 13 heures de "I, Claudius", et les Américains, forts de leur énergie et de leur assurance, ont estimé qu'ils auraient fait mieux. Ma réponse est : 'Eh bien, c'est mon travail et pas le vôtre'.''
 
Si "Upstairs, Downstairs" a été coupé de la moitié de sa durée de 50 épisodes, et "I, Claudius" de plusieurs minutes d'une scène d'orgie, cela a permis à PBS d'éviter les foudres des puritains américains et de proposer une "télévision sans culpabilité" attrayante et accessible à chacun.
 
Au fil des ans, certaines critiques ont pu reprocher à Joan de privilégier les drames majestueux en costumes et les produits culturels "faciles", ce que Bryan Curtis considérait comme sa mission "curatoriale".
COUP DE FOUDRE AU THEÂTRE
 
L'amour de Joan pour le théâtre anglais et son travail furent aussi une histoire beaucoup plus personnelle lorsqu'elle rencontra Jeremy Brett...
 
En 1973, Jeremy jouait dans la pièce "Design for Living" au Phoenix Theatre à Londres. Joan assista à la représentation et s'exclama en le voyant sur scène : "C'est l'homme qu'il me faut !". Jeremy raconta l'anecdote  plus tard : "Elle disait qu'elle aimait la façon dont je bougeais mes fesses...!" Elle organisa une première rencontre, ce fut un coup de foudre réciproque.
 
Tous deux travaillèrent ensuite ensemble à plusieurs reprises. En 1975  à Londres, ils se retrouvèrent réunis sur le tournage de la pièce "The Rivals" diffusée sur PBS dans le cadre de "Classic Theater". Joan interviewa Jeremy sur son rôle dans le préambule à la représentation. Comme elle le raconta plus tard : "Ce fut l'amour dès la première prise. Mon technicien du son montait la vidéo-cassette du film et vous pouviez voir le courant passer."
 
Le séduisant acteur anglais apparaissait régulièrement dans "Masterpiece Theater" - The Good Soldier, On Approval - devenant l'un des "Masterpiece Theater favorites"et en 1976, c'est lui qui présenta l'émission mensuelle d'anthologie de PBS, "Piccadilly Circus" produite par Joan. Diffusée en 14 épisodes  en 1976-77, "Picadilly Circus" présentait une sélection des meilleurs programmes éclectiques de la télévision britannique : théâtre, comédies, documentaires, variétés, films, etc. l'émission connut un vif succès populaire assurant à Jeremy sa notoriété outre-Atlantique.
 
Mais il avait surtout conquis le cœur de Joan... De son côté, Jeremy était sous le charme. Joan le fascinait.  Du signe du Scorpion, elle croyait dans l'occulte et conduisait une Mustang noire de 1978 dont la plaque d'immatriculation portait le mot "WITCH" (sorcière) !
MARIAGE EN 1977
 
Joan Sullivan et Jeremy Brett se marièrent le 22 Novembre 1977. La vie personnelle de Joan était loin d'être conventionnelle ayant été mariée trois fois (sans compter une relation jamais officialisée).
 
Joan était déjà mère d'un fils d'un précédent mariage, Caleb Wilson Sullivan et d'une fille, Rebekah Wilson Giarusso. Devenu leur beau-père, Jeremy les considéra immédiatement comme ses propres enfants et toute la famille s'installa aux Etats-Unis. Après le décès de sa femme, Jeremy est toujours resté en contact proche avec ses enfants et sa belle-mère. Chacun de leur côté, Joan et Jeremy réussissaient des carrières professionnelles si bien remplies, qu'ils devaient se débrouiller pour se voir malgré leurs absences respectives.
 
A propos de sa vie personnelle, Joan estimait que ces séparations maintenaient la bonne santé d'un mariage et que le temps passé ensemble rendait leurs retrouvailles encore plus passionnées et tendres.
 
Au cours d'une interview en 1980, Joan raconta : "Voyons... J'ai passé une semaine avec Jeremy en Janvier. En Février, nous nous sommes rencontrés à une fête organisée par Mobil pour Masterpiece Theatre. En Avril, je l'ai vu à Londres.  La plupart du temps, il séjourne à Los Angeles et je suis ici, à Boston. Nous nous voyons dans divers endroits où il nous avons la possibilité de nous retrouver."
Alors que Holmes disparaissait dans "Le Dernier Problème", Jeremy vivait une tragédie personnelle :  Joan souffrait d'un cancer du pancréas. Dans une interview en 1991 sur la National Public Radio (NPR), Jeremy déclara : "Je savais à la fin de The Final Problem en 1984, qu'elle avait un cancer... Nous allions faire tout le traitement en Angleterre et puis nous avons décidé de le faire à Boston, parce qu'elle travaille là pour WGBH".
 
Sa peine et sa trop grande sensibilité face à sa maladie l'avaient fait s'évanouir la première fois qu'il la vit en chimiothérapie. Joan elle-même préférait que son angoissé de mari ne soit pas présent lors des soins. Jeremy bien sûr ne l'écouta pas. Dès la fin des tournages, il s'envola pour New York et resta auprès d'elle.
 
Concernant sa décision de retourner en Amérique, il déclara dans une interview en 1985 : "J'avais besoin d'une pause... et je voulais surtout être auprès de ma femme." Ainsi il accepta ainsi deux engagements sur place à New York : le rôle de narrateur dans "Song" et celui de William Tatham dans la pièce "Aren't We All ? "
 
Jeremy joua William Tatham dans cette comédie particulièrement drôle et enlevée avec Rex Harrison et Lynn Redgrave. Bien qu'il était ravi du succès fou de "Aren't We All ?", il se demandait comment il parvenait à faire rire le public tous les soirs dans de telles circonstances…
 
"La raison pour laquelle j'ai fait Are We All? était d'être avec Joanie, ma femme. J'ai su pendant l'année du "Dernier Problème" en 1984 qu'elle avait un cancer, et les lumières se sont vraiment éteintes dans ma vie. Je ne voulais plus jamais jouer. Je n'en voyais plus l'intérêt. Je l'ai perdue le 4 juillet et je suis retourné en Angleterre après la fin de la pièce. Les représentations ne se sont pas terminées avant le 23 juillet. Je ne sais pas comment j'ai tenu jusqu'à la fin."
Joan décéda à Boston le jeudi 4 Juillet 1985, le jour de l'Independence Day, à l'âge de 56 ans.  Sa sépulture repose au Waterside Cemetery à Marblehead, Essex County où elle vivait.
 
En hommage à son travail de productrice, The International Television Academy Foundation créa le prix Joan Wilson Fellowship pour honorer sa mémoire et reconnaître l'excellence dans l'art pour lequel elle s'était brillamment illustrée.
 
Tant bien que mal, Jeremy honora les 96 représentations de "Aren't We All ?" jusqu'au 23 Juillet 1985. "Je continuais à jouer et terminais la pièce, mais les lumières s'étaient éteintes dans ma vie." "Je ne sais pas comment j'ai fait, a-t-il dit sur NPR. "Et j'ai été engagé pour recommencer [Sherlock Holmes] le 3 Septembre de cette année-là. Ils m'ont dit :"Eh bien, Jeremy, cela vous aidera peut-être si vous remontez en selle." ... J'ai tourné les cinq films suivants avec la plus effroyable mauvaise grâce, je le crains. Je veux dire, je ne voulais tout simplement pas les faire."
"Nous avons vécu une dizaine d'années ensemble ..." a-t-il dit, "Je l'aimais de tout mon cœur, elle était si belle et courageuse. Nous avons connu un amour unique dans une vie. Elle était une personne incroyable, la meilleure femme qu'un homme puisse avoir. C'était le genre de relation où je commençais une phrase et elle la terminait. Parfois, vous pouvez lire dans les yeux de quelqu'un, et ressentir comme si vous le connaissez depuis toujours. Voilà comment c'était."
 
Joan et Jeremy n'avaient passé que trois mois ensemble cette année 1985...  Jeremy qualifiait ces rares et précieux moments éparpillés comme "un feu de joie et de plaisir".  Joan était sa source de confiance, son âme sœur : "Elle comprenait l'enfer que vivent les acteurs".  Jeremy ne se remit jamais vraiment de cette perte immense qui engendra des troubles majeurs dans sa vie future.
 
En Août 1985, Jeremy revenait définitivement en Angleterre pour le tournage du "Retour de Sherlock Holmes".  Il espèrait que le travail rendrait son deuil plus facile à supporter. Il déclara aux journalistes : "Le chagrin se dissipe peu à peu, et je suis en train d'en finir avec lui". Malheureusement, ce n'était pas vrai. Chagrin et surmenage vinrent à bout de sa résistance.
 
"J'ai chancelé jusqu'au bord et me suis effondré" avoua t-il. "Et puis j'ai eu... une dépression terrible. Et quand je m'en suis sorti - un immense merci à mon fils chéri David qui fut un ami courageux pour me soutenir à travers tout ça - je suis remonté à nouveau en selle ! (petits rires). Je me souviens avoir dit 'Si je peux arriver à Manchester [où se tournait Sherlock Holmes], j'irai bien.' Et puis j'ai fait Le Signe des Quatre et j'ai commencé à me sentir mieux avec Holmes, et je n'étais plus autant fâché avec lui parce que je lui en voulais un peu. Je travaillais, vous voyez, si loin de Joan, et il avait pris tellement de place nos dernières années. Et vous savez,  le temps guérit toutes les blessures. Et maintenant ... en fait, Caleb, mon aîné, mon héritage de Joan, dit qu'il ne m'a pas vu aussi bien depuis des années. Alors, lentement, lentement, lentement. Vous ne vous remettez jamais d'une telle perte. Vous vous y habituez, mais vous ne vous en remettez jamais."
 
La grave dépression de Jeremy révéla sa maniaco-dépression et aggrava ses problèmes cardiaques. Sa santé fragile ne cessa de s'altérer pendant les dix dernières années de sa vie.
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